Comment accompagner les émotions des petits

Comment accompagner les émotions des petits

J’ai récemment retrouvé cet article/interview paru dans le n° 165 de L’Enfant et la Vie, en 2012. J’y répondais aux questions de plusieurs lectrices de la revue, qui défendait majoritairement l’approche des pleurs à la Aletha Solter (voir Les bébés doivent-ils pleurer ?).
Comme je suis toujours d’accord avec ce que j’y dis (!), je le mets ci-dessous.

Q – Comme discerner si un petit qui crie a une émotion à exprimer ou s’il a simplement faim de lait ou de relation ?
R – Pour moi, la tétée au sein, c’est tout simplement, pour un tout-petit, en plus de la nourriture, sa principale façon d’être en relation avec les autres, sa principale façon de s’apaiser, de se rassurer, voire d’avoir moins mal (on connaît par exemple l’effet anesthésique de la tétée au cours d’un geste médical douloureux comme une piqûre ou une prise de sang).

Q – Le besoin de contact physique du tout-petit avec ses parents est très important pour son développement. Comment y répondre ?
R – Par l’allaitement, le portage, le cododo (car le besoin de contact ne s’arrête pas entre 20 h du soir et 8 h du matin !) qui, tous, impliquent une proximité physique entre le bébé et ses parents.

Q – Quelles alternatives à l’allaitement sont possibles pour accompagner un petit en demande ?
R – Bien sûr, il y a d’autres alternatives que le sein pour répondre aux besoins d’un tout-petit. Mais si la mère est là, qu’elle peut donner le sein, pourquoi devrait-elle s’en priver ? Pourquoi devrait-elle se torturer l’esprit pour se demander s’il s’agit d’une tétée nutritive ou d’un horrible « mécanisme de contrôle » (voir Aletha Solter…) ?
J’ai récemment rencontré quelqu’un qui fait des sessions de formation sur l’allaitement pour les professionnels de santé en Afrique. Lors d’une de ces formations, une jeune infirmière malgache lui a dit : « Je ne comprends pas pourquoi vous, les Occidentaux, vous êtes tellement obsédés par ces histoires de nombre de tétées, de durée des tétées, etc. Chez moi, comme on dit, quand ça pique, on se gratte ».
J’aimerais que chez nous, l’allaitement soit aussi simple…

Q – Comment vous positionnez-vous par rapport à l’accompagnement des pleurs des nourrissons, des bébés, des bambins ? Sur quoi vous basez-vous pour étayer votre propos ?
R – Il est clair pour moi que les pleurs des bébés (je parle bien des bébés) ne sont pas à « accompagner », car ils sont généralement la conséquence d’une situation de manque ou de malaise à laquelle il est possible de remédier, voire qu’on aurait pu éviter en répondant aux besoins du bébé.
Je me base sur mon expérience et sur l’expérience de millions de mères un peu partout dans le monde et dans l’histoire. Mais aussi sur les recherches récentes sur le cerveau qui montrent les dégâts que provoquent sur lui les pleurs (« accompagnés » ou pas). Voir par exemple l’ouvrage de Margot Sunderland, Un enfant heureux (le titre est maintenant La science de l’enfant heureux).
Je voudrais dire aussi que les émotions, ce ne sont pas que la colère , la frustration, la tristesse, ce sont aussi la joie, l’amour, le plaisir de faire…

Extrait d’un témoignage de père sur le site Rue89,
bel « accompagnement », n’est-ce pas ?!

 

Q- Et vous-même, comment souhaitez-vous être consolée quand vous avez du chagrin ? Et lorsqu’un bébé pleure près de vous, comment réagissez-vous ou comment agissez-vous ?
R – En tant qu’adulte, si j’ai un chagrin et que je pleure, je n’ai pas envie qu’on me dise d’arrêter de pleurer, mais pas non plus envie qu’on me dise : « Vas-y, pleure, ça va te faire du bien », surtout si c’est parce que la personne a lu dans un livre que les pleurs sont bénéfiques !
Lorsqu’un bébé pleure, si la mère est présente, j’ai surtout envie qu’elle s’occupe de lui ; et si elle n’est pas là, j’aurai tendance à le prendre dans les bras, à lui parler, et à me promener avec lui, car je sais que cela suffit souvent à l’apaiser. Bien sûr, s’il a faim, cela ne suffira pas, et j’espère dans ce cas avoir de quoi le nourrir !

Q – En période de stress de la maman, le bébé réclame dix fois plus le sein, est-ce sa manière d’interpeller maman pour qu’elle redevienne sécurisante ?
R – Cela peut être en effet une façon pour le bébé de réagir au stress de la maman. Mais tous les bébés ne réagissent pas de la même façon. Certains, dans la même situation, vont au contraire se mettre « en veilleuse » et réclamer beaucoup moins.

Q – Comment élaborer une réponse ajustée au besoin de bébé qui manifeste une insatisfaction, si la réponse offerte est systématiquement le sein ?
R – Mais pour moi, le sein EST une réponse ajustée !

Q – Malgré un maternage proximal (allaitement à la demande, portage…), il arrivait à mon bébé de ne pas vouloir le sein. Je la gardais alors dans l’écharpe, en la berçant délicatement, elle s’endormait contre moi, mais en pleurant. Qu’en pensez-vous ?
R – Je pense que vous avez sûrement fait au mieux avec votre bébé. C’est très frustrant, un bébé qui refuse le sein pour s’apaiser… Il peut y avoir à ça de multiples raisons, comme par exemple un REF (réflexe d’éjection fort). Je ne sais pas si, dans votre cas, toutes ces pistes ont été explorées. En tout cas, pour moi, ce n’est pas la preuve que votre bébé avait « besoin » de pleurer avant de s’endormir.

Q – Face au sevrage, comment accompagner les réactions et les émotions de la part de bébé ?
R – Alors là, tout dépend de l’âge de l’enfant au moment du sevrage, et aussi des modalités du sevrage ! Les réactions de l’enfant et la façon d’y répondre seront bien différentes entre un sevrage brutal à 6 mois à l’initiative de la mère, et un sevrage en douceur à 2 ans et demi concerté entre la mère et l’enfant.

Q – Mon enfant se réveille une ou deux fois par nuit alors qu’il a 10 mois. Est-ce parce qu’il n’a pas la possibilité de libérer ses émotions à d’autres moments par les pleurs ou parce qu’il a faim de contact, de relation ou de lait ? Je lui donne le sein, mais je souhaiterais qu’il fasse ses nuits.
R – Je ne pense pas du tout qu’il se réveille parce qu’il n’aurait pas pu libérer ses émotions dans la journée. Les réveils nocturnes tout au long de la première année sont tout simplement normaux ! Je vous renvoie aux statistiques que je donne dans mon petit livre sur le sommeil (Le cododo, pourquoi, comment) qui le montrent bien. Cela dit, je suis d’accord que cela peut épuiser les parents ! Le livre d’Elisabeth Pantley (Un sommeil paisible et sans pleurs : aider en douceur son bébé à dormir toute la nuit) fait sur le sujet des suggestions qui ont aidé nombre de parents (mais pas tous !).

 

 

About The Author

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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