Allaiter son bébé adopté, mode d’emploi
L’allaitement est vu à juste titre comme la suite logique (et physiologique) de la grossesse et de l’accouchement. Allaiter un enfant qu’on n’a pas porté en son sein, sans jamais avoir été enceinte, sans jamais avoir allaité auparavant, peut donc sembler à première vue comme une idée folle et irréalisable.
Pourtant, au cours des dernières décennies, il y a sans doute des milliers de femmes de par le monde qui y sont parvenues.
Pendant longtemps, on suggérait de dire aux femmes souhaitant allaiter un bébé adopté que peu de mères arrivaient dans cette situation à produire beaucoup, et qu’il valait mieux considérer l’allaitement comme un moyen d’être proche du bébé et toute quantité de lait obtenue comme un « bonus ».
Plus récemment, on a vu apparaître des protocoles impliquant l’utilisation des mêmes hormones qui stimulent la croissance du tissu mammaire pendant la grossesse, et ce afin de « développer » le tissu mammaire d’une mère en attente de son bébé [1]. On rapporte que, selon le nombre de mois qui s’écoulent entre le moment où la mère débute ces protocoles et le moment où le bébé arrive, elle peut être capable d’allaiter exclusivement dès le moment où le bébé est dans ses bras [2].
Le protocole du Dr Newman [3] vise à se rapprocher tout d’abord du milieu hormonal de la grossesse par la prise d’une pilule contraceptive combinée associée à de la dompéridone pour augmenter le niveau de prolactine [4].
Dans le cas d’un accompagnement médicamenteux – qui peut occasionner des effets secondaires, comme pour toute prise de médicament –, il convient pour la mère de trouver un professionnel de santé qui soit informé et puisse comprendre sa démarche, et l’accompagner le cas échéant (pas facile à trouver en France, il faut dire…).
Ajoutons que des études de cas montrent que, simplement en allaitant le bébé huit à dix fois par jour (encore faut-il que le bébé soit d’accord pour téter…), certaines femmes sont capables d’arriver en un mois à une production lactée complète, sans même utiliser d’hormones.
Dans un article paru en 2017 dans le Journal of human lactation [5], trois femmes médecins travaillant au lactarium de Madrid présentaient le cas, encore jamais vu dans la littérature, d’une femme ayant démarré un programme de « lactation induite » dans le but d’allaiter un enfant adopté et qui a commencé à avoir du lait avant même d’avoir reçu l’enfant, au point de devenir… donneuse au lactarium. Elle avait commencé à stimuler ses seins avec un tire-lait électrique double pompage et aussi à la main, six mois avant l’arrivée du bébé, et trois mois plus tard, elle était acceptée comme donneuse par le lactarium. En tout, elle aura donné près de 13 litres !
Dernière chose à savoir : chez nous, les enfants adoptés le sont bien souvent par des femmes qui rencontrent des problèmes de fertilité. Or ces problèmes peuvent avoir un impact sur la possibilité d’allaiter.
Malgré tout, les femmes qui se sont lancées dans cette aventure en ont été généralement très satisfaites, quelle que soit la quantité de lait qu’elles ont réussi à produire. De toute façon, on le sait bien, l’allaitement, c’est bien plus que simplement du lait !
[1] Voir Les protocoles pour induire la lactation de Lenore Goldfarb et Jack Newman.
[2] Contrairement aux États-Unis, il est rare qu’en France on puisse adopter un nouveau-né. Accueillir un bébé plus grand, voire un bambin, et réussir à l’allaiter est néanmoins tout à fait possible. Sans compter le cas des couples de femmes où la mère qui n’a pas porté l’enfant souhaite l’allaiter.
[3] Feuillet du Dr Newman Allaiter votre bébé adopté.
[4] À savoir : la dompéridone a un effet galactogène rapporté, mais n’a pas d’AMM en France pour cette indication.
[5] Flores-Anton B et al, An Adoptive Mother Who Became a Human Milk Donor, Journal of Human Lactation, 2017 ; 33(2).
Article paru dans le n° 83 de Grandir autrement, septembre 2020.
Voir aussi sur le site de LLL France le dossier Adoption et allaitement.
C’est passionnant, merci !
Sur le parentage du bébé et enfant adopté, j’aime beaucoup le livre de Cécile Flé, Créer des liens. Il donne plein d’idées et de réflexions pour le maternage, c’est là que j’avais lu pour la première fois la possibilité d’allaiter le bébé adopté.