Allaiter plus longtemps

Allaiter plus longtemps

Allaiter au-delà des premiers mois ? Pourquoi le faire ? Quels sont les bénéfices ? Plus longtemps, mais jusqu’à quand ? Et si l’allaitement non écourté, comme le pédiatre canadien Jack Newman nous invite à nommer l’allaitement long, était la norme physiologique de l’espèce humaine, et non l’allaitement « écourté » ? Autant de questions que nous allons aborder ici.

Chez nous, dès que l’allaitement dépasse les tout premiers mois, la mère est assaillie de questions, de remarques, de critiques, d’interrogations… et soumise à rude pression : « Quand est-ce que tu arrêtes ? », « mais quand vas-tu lui donner autre chose ? », « ton lait ne doit plus lui suffire », « ça suffit comme ça, pas la peine de continuer », « là, vous vous faites plaisir, c’est tout », « vous êtes aveugle aux signes que vous envoie votre bébé disant qu’il veut arrêter de téter » (entendu de la bouche d’une psy), « vous le rendez dépendant », « attention à l’inceste » (s’il s’agit d’un garçon), « vous allez en faire un homosexuel », « il risque d’avoir des TOC plus tard »…, j’en passe, et des meilleures (1).

La limite au-delà de laquelle cela devient soit inutile, soit pathologique varie selon les gens : pour certains, ce sera 3 mois, pour d’autres 6 mois et l’apparition des dents (2), pour d’autres encore 9 mois ou 12 mois.
Sans qu’aucune raison valable, aucune étude scientifique sérieuse ne vienne corroborer ces dires.

Après 3 mois, un lait toujours aussi riche, abondant et protecteur…

Ce qu’on sait de la composition du lait de femme, qui en fait un aliment complet, équilibré et parfaitement adapté aux besoins de l’enfant, riche en acides gras essentiels pour construire son cerveau, en facteurs de protection, etc., reste vrai quel que soit l’ « âge » de l’allaitement.

Ainsi, en 2016, une étude (3), faite au départ pour savoir si les banques de lait pouvaient accepter le lait de femmes allaitant « au long cours », a montré que du lait recueilli par des mères allaitant des enfants entre 11 et 17 mois avait, par rapport à du lait de moins de 12 mois, des taux significativement plus élevés de protéines, lactoferrine, lysozyme, immunoglobulines A, oligosaccharides et sodium ; des taux inchangés de lactose, graisses, fer et potassium ; seuls les taux de zinc et de calcium étaient plus bas.
Certes, à partir d’un certain âge, l’allaitement devra être complété par des aliments solides. Mais pendant encore plusieurs mois, l’essentiel de l’alimentation de l’enfant pourra continuer à être fourni par le lait maternel. Ce qui devrait rassurer nombre de parents qui ont parfois l’impression que leur enfant « ne mange rien » : même s’il n’a pris qu’une bouchée de pain et une tranche de concombre, s’il continue à téter, il est nourri !

D’autant que, si la qualité demeure, c’est aussi le cas de la quantité, pour peu que l’enfant tète suffisamment bien sûr. Ainsi, dans une étude faite sur des mères et des enfants de 1 an et plus vivant à Washington (4), les enfants de plus de 3 ans, qui tétaient une à cinq fois par jour, consommaient environ 550 ml de lait par jour, soit environ 50 % de leurs besoins énergétiques.
Dans une autre étude (5), qui a mesuré la taille des seins et la production de lait dans un allaitement au long cours, à 15 mois, la production de chaque sein sur 24 heures était tout à fait substantielle (208 +/-56,7 g), alors que∙ les seins avaient retrouvé leur taille d’avant la grossesse. Il semble que l’efficacité du sein augmente après 6 mois, ce qui serait dû à une redistribution des tissus à l’intérieur du sein.

Le lait maternel continue par ailleurs à apporter à l’enfant ses innombrables facteurs de protection, et pourra faire une grande différence pour lui en termes de santé, voire de survie dans certains pays.
En 2013, une revue de la littérature (6) faisant le point sur ce qu’on sait de la composition du lait de femme après 12 mois, concluait à une stabilité dans le taux de plusieurs composants, notamment la lactoferrine et les IgA, et à une augmentation pour le lysozyme (un taux plus élevé de 220 % entre 15 et 18 mois qu’entre 0 et 3 mois). Et comme on sait, la lactoferrine, les IgA et le lysozyme ont tous des propriétés anti-infectieuses, le lysozyme étant même qualifié par certains auteurs d’ « antibiotique corporel ».

Le lait maternel contient non seulement moult facteurs anti-infectieux, mais aussi tout un cocktail de bactéries bénéfiques transmises par la mère au bébé. Or, d’après une étude (7) faite par des chercheurs de l’Université McGill sur des échantillons de lait de mères mayas de huit communautés rurales du Guatemala, à l’aide d’une technologie génomique (mise au point pour la station spatiale internationale !), ce cocktail change considérablement au fil du temps et semble agir comme une mise à jour de l’immunité et du métabolisme du nourrisson. Les échantillons étaient en effet collectés entre le 6e et le 46e jour et entre le 109e et le 184e jour de vie. Certaines des espèces bactériennes observées dans ces échantillons exercent une fonction commune de destruction de substances étrangères ou de xénobiotiques et apportent une protection contre les toxines et les polluants.

C’est bon pour la santé de l’enfant…

Tant que dure l’allaitement, tous ces facteurs anti-infectieux continuent à protéger l’enfant. Ainsi, une étude, faite en 2005 sur plus de 1 800 enfants canadiens (8), a montré que l’allaitement avait un impact positif qui se poursuivait pendant toute la seconde année, même lorsque l’enfant était placé dans un système de garde, et qu’il réduisait la fréquence des antibiothérapies pendant les 2,5 premières années de vie.

Concernant l’impact de l’allaitement sur la santé de l’enfant et de sa mère à court et à long terme, la plupart des études prennent maintenant en compte la durée totale d’allaitement. Et presque toujours, elles trouvent un effet « dose-dépendant », c’est-à-dire que plus longtemps on a été allaité (pour l’enfant) ou plus longtemps on a allaité (pour la mère), plus l’impact bénéfique est important.
Ces études portent sur un grand nombre d’affections pour lesquelles le fait d’avoir été allaité, et allaité plus ou moins longtemps, diminue le risque. À noter qu’on devrait plutôt dire que le non-allaitement ou un allaitement écourté en augmente le risque, malheureusement, à quelques exceptions près, les études se présentent selon la première modalité…
Nous n’en présenterons ici que deux, mais sachez qu’elles portent aussi bien sur les allergies que sur les maladies cardio-vasculaires, le risque de puberté précoce, les troubles alimentaires, le risque épileptique… (9)

Pour ce qui est par exemple du risque d’obésité, selon une étude faite en 2014 (10) sur plus de 40 000 enfants japonais suivis de la naissance à 8 ans, plus les enfants avaient reçu du lait maternel pendant une longue période (au-delà de 6 mois), moins leur IMC (indice de masse corporelle) était élevé.

Autre exemple, le développement oro-facial. Une méta-analyse parue en 2018 (11) a confirmé que l’allaitement était bien préventif des malocclusions dentaires, et ce avec un effet dose-dépendant. Quel que soit sa durée, l’allaitement avait un effet protecteur sur les béances antérieures (open bite). Pour les enfants allaités jusqu’à 6 mois, l’allaitement maternel avait protégé contre le surplomb horizontal excessif (overjet), la béance antérieure (open bite), l’occlusion croisée postérieure (posterior crossbite) et le chevauchement dentaire (crowding). L’allaitement maternel pendant 12 mois ou plus était associé à des risques plus faibles de surplomb horizontal excessif ( ), de béance antérieure (open bite), et d’occlusion croisée postérieure (posterior crossbite).

… et de la mère

De nombreuses études ont montré qu’avoir allaité diminuait le risque de tous les cancers féminins. Les liens entre cancer du sein et non-allaitement ont été particulièrement étudiés. Ainsi, dans une étude de 2010 (12), par rapport aux femmes qui n’avaient pas allaité ou avaient allaité moins de 12 mois, le risque de cancer du sein était plus bas de 66,3 % chez celles qui avaient allaité entre 12 et 23 mois (au total dans leur vie), de 87,4 % chez celles qui avaient allaité entre 24 et 35 mois, et de 94 % chez celles qui avaient allaité entre 36 et 47 mois. Pour chaque enfant allaité plus de douze mois, le risque était abaissé de presque moitié.

Pour ce qui est des maladies cardio-vasculaires, Une étude (13) portant sur 140 000 femmes ménopausées a trouvé que celles qui avaient allaité risquaient moins de souffrir de crises cardiaques, d’attaques cérébrales et de maladies cardio-vasculaires, et que plus longtemps elles avaient allaité, plus le risque était diminué. Après un an d’allaitement, le risque d’hypertension chutait de 12 %, celui de diabète de 20 %, celui d’hypercholestérolémie de 19 %, et le risque global de maladie cardio-vasculaire de 9 %.
Une autre étude (14), faite sur plus de 3 000 femmes faisant partie de l’Enquête coréenne nationale sur la Santé et la Nutrition, ménopausées et non-fumeuses, a constaté qu’un plus grand nombre d’enfants allaités et une plus longue durée d’allaitement étaient associés à un risque d’hypertension plus faible.

D’autres études ont montré une réduction du risque de cancer de l’utérus, cancer des ovaires, diabète de type 2, obésité et surpoids, ostéoporose, endométriose – à noter que le risque d’en souffrir serait plus bas à la fois pour les femmes qui ont allaité ET pour celles qui ont été allaitées ! (15) –, ménopause précoce, arthrite rhumatoïde, DMLA et même… maladie d’Alzheimer.
Une étude (16) a même montré l’an dernier qu’avoir allaité longtemps dans sa vie diminuait le risque de souffrir de symptômes vaso-moteurs (bouffées de chaleur et sueurs nocturnes) à la ménopause !

Quid du développement cognitif ?

Il est toujours délicat d’apprécier l’impact de l’allaitement sur le développement cognitif en raison de tous les biais possibles qu’il est parfois difficile d’éliminer (catégorie socio-professionnelle de la famille, niveau d’études des parents, etc.).
Une étude faite en 2009 (17) a réussi à le faire en comparant les performances scolaires d’adolescents d’une même fratrie, dont l’un avait été allaité et l’autre pas, ou allaités pour des durées différentes. Pour chaque mois d’allaitement, les notes augmentaient de 1 %, et la probabilité d’aller à l’université de 2 %.

En 2015, une étude brésilienne (18) faisait le lien entre un allaitement prolongé et un plus haut quotient intellectuel à 30 ans. Elle se distinguait par son caractère prospectif (et non rétrospectif comme la plupart des autres études), sa taille et sa durée : près de 6 000 nourrissons de la ville de Pelotas (Sud-Est de l’État du Rio Grande do Sul) étaient suivis depuis 1982. Un autre intérêt de l’étude par rapport à d’autres sur le même sujet : au début des années 1980, l’allaitement n’était pas pratiqué exclusivement dans les classes sociales élevées de cette région du Brésil, la pratique était alors uniformément répartie au sein de la société, ce qui permet d’éliminer plus facilement les biais psycho-socio-économiques.
Du 4 juin 2012 au 28 février 2013, les chercheurs ont calculé le QI de 3 493 participants à la cohorte (sur 5 914 nourrissons inscrits en 1982) et les ont interrogés sur leurs études et leurs revenus. Résultat : ceux qui avaient été allaités pendant au moins douze mois avaient un QI plus élevé (supérieur de 4 points), un niveau d’études et des revenus supérieurs (près d’une année d’études supplémentaire et un tiers de revenus en plus par rapport au revenu moyen) à ceux qui avaient été allaités pendant moins d’un mois. L’effet était dose-dépendant.

Et l’an dernier, les données de 7 855 enfants britanniques nés entre 2000 et 2002 et suivis jusqu’à l’âge de 14 ans dans le cadre de la UK Millennium Cohort Study ont été analysées (19). Les mères ont indiqué la durée de l’allaitement et les capacités cognitives des enfants ont été évaluées à 5, 7, 11 et 14 ans. À tous les âges, des durées d’allaitement plus longues étaient associées à des scores cognitifs plus élevés, même après ajustement pour la capacité cognitive maternelle.

Meilleure capacité d’adaptation psycho-sociale et relation d’attachement

Une étude qui s’est intéressée au devenir d’enfants allaités plus d’un an (20) a trouvé un lien entre la durée de l’allaitement et la façon dont les mères et les professeurs appréciaient leur adaptation sociale à 6 et 8 ans. Les auteurs prenaient leurs précautions en disant qu’ils n’avaient pu prendre en compte les différences d’interactions mère-enfant entre les mères qui allaitent et celles qui donnent le biberon, différences pouvant expliquer leurs résultats. Mais finalement, peu importe que ces résultats soient dus à l’allaitement en soi ou à un comportement maternel plus courant chez les mères susceptibles d’allaiter plus d’un an. Le fait demeure : les enfants allaités longtemps étaient considérés plus tard comme ayant la meilleure adaptation sociale. C’était encore plus vrai chez les mères que chez les professeurs, ce qui laissait à penser que les mères ayant allaité longtemps tendent à voir leurs enfants sous un jour plus positif que les autres.

Cela pourrait s’expliquer par une « sensibilité maternelle » accrue en cas d’allaitement long. On entend par « sensibilité maternelle » la capacité de la mère à répondre à son enfant de façon synchrone et à lire les signaux qu’il émet, son ton émotionnel et son comportement avec lui. Faite auprès de 1 272 familles américaines, cette étude longitudinale (21) est la première à avoir enquêté sur les liens possibles entre durée d’allaitement et sensibilité maternelle jusqu’à dix ans après la fin de l’allaitement. Dans l’étude, plus l’allaitement avait duré, plus la sensibilité maternelle était grande. Comme l’a dit l’auteure principale de l’étude, « il y avait bien des études montrant un lien entre allaitement et sensibilité maternelle précoce, mais rien n’indiquait que nous allions observer un effet bien au-delà de la fin de l’allaitement ».
Les mères qui allaitent longtemps insistent d’ailleurs sur la force du lien mère-enfant ainsi tissé, et les bénéfices émotionnels qu’elles en retirent, ainsi que leur enfant. C’est ce qui ressort par exemple d’une étude sur le vécu de 179 mères allaitantes « au long cours » (22) qui, si elles parlent des difficultés à allaiter longtemps dans un environnement peu soutenant voire franchement critique, n’en disent pas moins que les aspects positifs pour la relation mère-enfant l’emportent de loin sur ces aspects négatifs.

Et c’est tout simplement bon !

Entre autres avantages, l’allaitement long présente celui de nous faire connaître l’opinion des principaux intéressés : les bambins allaités (mais oui, n’en déplaise à Dolto, ils parlent !). Leurs paroles témoignent du plaisir qu’ils éprouvent, du réconfort que leur apporte la tétée (et parfois, d’un réel bon sens et d’une connaissance quasi scientifique des mécanismes de l’allaitement !). Grâce à ces mots d’enfants, l’on comprend mieux ce qu’est la poursuite de l’allaitement, combien il est lié au maternage et à quel point le respect fait partie de cette relation.
Dans une étude sur des mères australiennes allaitant des enfants de 2 ans et plus (23), on a interrogé les enfants, qui ont presque tous dit qu’ils tétaient parce qu’ils aimaient le lait de leur mère, que ça les rendait heureux et leur faisait du bien. Certains ont dit que c’était « aussi bon que le chocolat », voire « meilleur que la crème glacée ».
L’album Les tétées de Maïté de Jeanne Sélène décrit parfaitement toutes les sortes de tétées qu’on peut vivre avec un bambin. Je ne résiste pas au plaisir de les citer : la tétée « grande faim » qui remplit l’estomac ; la tétée « dessert », celle qui comble la gourmandise ; la tétée « pansement », celle qui guérit les blessures ; la tétée « retrouvailles », celle qui souhaite la bienvenue ; la tétée « sieste », celle qui détend tout le corps ; la tétée « câlin », celle qui rassasie le cœur. Et celle que j’adore : la tétée « pour rien », celle qui est pourtant indispensable !

Comment ça se termine

De même que les enfants commencent à marcher, à parler, à être propres, à des âges différents, ils peuvent se sevrer « naturellement » à des âges très différents (et même avant que leur mère ne soit elle-même prête au sevrage !) et à des rythmes très différents.
Tant qu’on ne l’a pas vécu, il est très difficile de « croire » au sevrage naturel. Quand on voit son petit téter avec avidité plusieurs fois par jour, comment imaginer qu’il puisse de lui-même, un jour, abandonner ce plaisir ?
Dans une société où l’on n’imagine pas de laisser l’enfant grandir à son rythme, où l’on se croit obligé de lui apprendre à dormir, de lui apprendre à parler, de lui apprendre à marcher, de lui apprendre la propreté, comment imaginer lui laisser l’initiative du sevrage ?

Cela dit, le sevrage naturel ne signifie pas que la mère nie ses propres besoins et limites, et ne fait rien pour influencer le cours du processus. On a pu décrire le sevrage naturel comme une danse complexe entre mère et enfant. Parfois l’enfant mène la danse, parfois c’est la mère, et parfois ils bougent en parfaite harmonie. Souvent, le sevrage naturel combine les suggestions de la mère pour des étapes dans le sevrage et le fait que l’enfant soit prêt à les accepter.

Envisager un sevrage naturel, c’est certes se lancer dans une aventure dont on ne sait ni quand ni comment elle se terminera. Ce qui peut être déstabilisant, voire angoissant. Mais c’est offrir à son enfant le cadeau magnifique d’une relation d’allaitement pleinement achevée, et en retirer soi-même un sentiment d’accomplissement ô combien précieux.

Il arrive que la fin de l’allaitement se passe tellement en douceur qu’on ne s’aperçoit pas que c’était « la dernière tétée ».
Titia le décrit fort bien : « L’allaitement est parti comme une brume qui se lève tout doucement, dont on ne sait pas si elle est tout à fait partie ou non. Tiens, on la voit encore au loin… et puis, non, c’est parti, le paysage même au loin se voit clairement. Mais depuis quand précisément ? »

Dans certains cas, la « dernière tétée » est l’occasion d’un petit rituel, d’une « fête du sevrage » ou « fête de fin des tétées ».
Il arrive aussi que l’enfant (parfois aidé par les parents…) fixe une date pour la dernière tétée… quitte à la repousser au dernier moment. Ainsi Madel, qui a eu 5 ans il y a quelques jours, s’arrête en pleine tétée et confie : « Maman, avant, je pensais arrêter de téter à 5 ans parce que je croyais que c’était grand, mais maintenant, je sais que c’est encore un peu petit… ».

Quelles qu’en soient la date et les modalités (il peut aussi être à l’initiative de la mère, pour une raison ou pour une autre), le sevrage engendre obligatoirement la nécessité de repenser la relation à l’enfant « sans la tétée ». C’est d’ailleurs ce qui fait peur à certaines : « mais comment je vais faire si je ne peux plus allaiter ? ».
La tétée, c’était du « tout en un » : nourriture, câlin, proximité physique, antalgique, etc. Quand les tétées s’arrêtent définitivement, il faut trouver des « remplacements » : une nourriture saine, adaptée et équilibrée ; des modes de soulagement de la douleur ; des câlins, beaucoup de câlins…
Et des câlins sans tétée ne sont pas nécessairement des câlins sans le sein : les enfants sevrés gardent une tendresse particulière pour les seins de leur mère ! Et il n’y a là rien de malsain !

Et puis, quand l’allaitement s’est arrêté, il reste… le souvenir de l’allaitement. Chez la mère, avec « ces innombrables moments de complicité qui resteront à jamais imprégnés dans nos mémoires » dont parle Alexandra. Et chez l’enfant, pour peu qu’il ait tété assez longtemps pour s’en souvenir.
Et cela, c’est vraiment un socle solide pour de bonnes relations entre parents et enfant !

À lire

Norma Jane Bumgarner, La mère, le bambin et l’allaitement, LLLI, 2006, en vente dans la boutique LLL France.
Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Allaiter plus longtemps, Éditions Jouvence, 2017.
L’allaitement quand il dure (longtemps), allaiter un enfant de plus de 3 ans, récits, hors-série d’Allaiter Aujourd’hui, 2014, en vente dans la boutique LLL France.
Marie Australe, Les années de lait, récit d’un allaitement au long cours, Éditions l’Instant Présent, 2009.
Ann Sinnott, Allaités… des années !, Éditions du Hêtre, 2011.
Agnès Vigouroux, L’allaitement long expliqué à mon psy, Éditions du Hêtre, 2015.
Diane Bengson, À propos du sevrage… quand l’allaitement se termine, LLLI, 2003, en vente dans la boutique LLL France.
Jeanne Sélène, Les tétées de Maïté, Éditions Lefebvre, 2021.
Catherine Dumonteil-Kremer, Agathe et les petits bonheurs, La Plage éditeur, 2013.
Natacha Butzbach, Pourquoi les bébés dorment-ils dans des lits à barreaux ? Petite histoire de la distance parentale, Le Hêtre Myriadis, 2021.
Andrée-Marie Dussault, Allaiter au-delà des idées reçues : quand l’allaitement dure… des années, auto-édité, 2022.

 

Notes

(1) Voir le Petit florilège des critiques que s’attirent les femmes qui allaitent au long cours.
(2) Voir Marcel Rufo dans Elle en 2005 : « Je vais encore déclencher une émeute, mais allaiter plus de six mois, quand l’enfant commence à avoir des dents, cela me pose question. Quand le sein a retrouvé sa fonction érotique, il ne se partage pas ! Ou alors, c’est qu’il y a érotisation de l’allaitement.
(3) Perrin MT et al., A longitudinal study of human milk composition in the second year postpartum : implications for human milk banking, Matern Child Nutr 2017 ; 13(1) : e12239.
(4) KM Buckley, Long-term breastfeeding : nourishment or nurturance ?, J Hum Lact 2001 ; 17(4) : 304-12.
(5) Kent JC, Breast volume and milk production during extended lactation in women, Exp Physiol 1999 ; 84(2) ; 435-47.
(6) Tigchelaar Perrin M et al., The Nutritive and Immunoprotective Quality of Human Milk beyond 1 Year Postpartum. Are Lactation-Duration-Based Donor Exclusions Justified ?, J Hum Lact 2013 ; 29(3) : 341-34.
(7) Gonzalez E et al., Distinct Changes Occur in the Human Breast Milk Microbiome Between Early and Established Lactation in Breastfeeding Guatemalan Mothers, Front Microbiol 2021 ; 12 : 557180.
(8) Dubois L, Girard M., Breast-feeding, day-care attendance and the frequency of antibiotic treatments from 1,5 to 5 years : a population-based longitudinal study in Canada, Social Science & Medicine 2005 ; 60(9) : 2035-44.
(9) Nombre de ces études sont citées dans Allaiter plus longtemps, éditions Jouvence.
(10) Jwa SC, Fujiwara T, Kondo N, Latent protective effects of breastfeeding on late childhood overweight and obesity : A nationwide prospective study, Obesity 2014 ; 22(6) : 1527-37.
(11) Ebaf T et al., Breastfeeding Versus Bottle Feeding on Malocclusion in Children : A Meta-Analysis Study, J Hum Lact 2018 ; 34(4) : 768-788.
(12) De Silva M et al., Prolonged breastfeeding reduces risk of breast cancer in Sri Lankan women : a case-control study, Cancer Epidemiol 2010   ; 34(3) : 267-73.
(13) Schwarz EB et al., Duration of lactation and risk factors for maternal cardiovascular disease, Obstetrics & Gynecology 2009 ; 113(5) : 974-82.
(14) Sangshin Park, Nam-Kyong Choi, Breastfeeding and Maternal Hypertension, American Journal of Hypertension 2018 ; 31(5) : 615–621.
(15) Youseflu S et al.,The protective effect of breastfeeding and ingesting human breast milk on subsequent risk of endometriosis in mother and child : a systematic review and meta-analysis,  Breastfeed Med 2022 ; 17(10) : 805-16.
(16) Scime NV et al., Impact of lifetime lactation on the risk and duration of frequent vasomotor symptoms : A longitudinal dose-response analysis, BJOG 2023 ; 130(1) : 89-98.
(17) Sabia JJ, Rees DI, The Effect of Breastfeeding on Educational Attainment : New Evidence from Siblings, Journal of Human Capital 2009 ; 3(1) : 43-72.
(18) Victora CG, Lessa Horta BL, de Mola CL et al., Association between breastfeeding and intelligence, educational attainment, and income at 30 years of age : a prospective birth cohort study from Brazil. Lancet Glob Health 2015 ; 3 : e199–e205.
(19) Pereyra-Elías R, Quigley MA, Carson C, To what extent does confounding explain the association between breastfeeding duration and cognitive development up to age 14 ? Findings from the UK Millennium Cohort Study. PloS ONE 2022 ; 17(5) : e0267326.
(20) Fergusson DM et al., Breastfeeding and subsequent social adjustment in six- to eight-year-old children, J Child Psychol Psychiatry 1987 ; 28(3) : 379-86.
(21) Weaver JM, Schofield TJ, Papp LM, Breastfeeding Duration Predicts Greater Maternal Sensitivity Over the Next Decade, Developmental Psychology 2018 ; 54(2) : 220-227.
(22) Kendall-Tackett KA, Sugarman M, The social consequences of long-term breastfeeding, J Hum Lact 1995 ; 11(3) : 179-83. Sur le même thème, voir aussi : Hills-Bonczyk SG et al, Women’s experiences with breastfeeding longer than 12 months, Birth 1994 ; 21(4) : 206-12.
(23) Gribble KD, « As good as chocolate » and « better than ice cream » : how toddler, and older, breastfeeders experience breastfeeding. Early Child Dev Care 2009 ; 179(8) : 1067-82.

 

Illustration : Aure Lhermite, détail.

 

Paru dans le n° 136 d’Allaiter aujourd’hui, juillet 2023

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

1 commentaire

  1. Harmony

    Bonjour,
    J’ai découvert l’allaitement avec l’arrivée de mon bébé il y a maintenant plus de deux ans et c’est un sujet qui me passionne et me tient énormément à cœur.
    Aujourd’hui, je l’allaite encore et j’attends sa petite sœur. Je subis donc malheureusement des critiques et des regards obliques, une véritable aberration dans une société qui a, selon moi, complètement perdu ses repères et la tête à cause de bouleversements depuis environ une centaine d’années (arrivée de l’industrie du lait en poudre et de clichés tous aussi stupides les uns que les autres, rendant le maternage honteux voire tabou alors qu’il fait partie de notre fonctionnement de mammifères… bref…).
    J’apprécie énormément votre travail et je vous suis avec grand plaisir.
    Continuez, s’il vous plaît : ce que vous faites est extrêmement important pour remettre un peu les choses à leur place.

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