Le lait maternel ne se change pas en eau après 6 mois !
Éditorial du n° 127 d’Allaiter aujourd’hui, avril 2021.
Lorsqu’en France, on allaite au-delà des premiers mois, on se sent parfois bien seule (en plus d’être souvent en butte aux critiques de l’entourage, des ami·e·s, des collègues, des professionnels de santé, etc.).
Pourtant, si l’on en croit les chiffres tirés des certificats de santé de 2017 (les derniers qui soient disponibles), on n’est pas si seule que ça : d’après les CS9 (certificats de santé du 9e mois), il y avait cette année-là 22,8 % de bébés français allaités plus de 6 mois [1], et 13,1 % allaités plus de 12 mois d’après les CS24 (certificats de santé du 24e mois) [2] !
Autre signe encourageant : la multiplication, ces dernières années, des études sur la composition du lait humain après 12 mois, et sur l’impact d’un allaitement long (ou plutôt « non écourté »).
C’est par exemple l’étude polonaise qui a recherché le taux lacté de plusieurs sortes d’immunoglobulines (IgA, IgG et IgM) jusqu’à 48 mois, et a constaté que ce taux augmentait avec la durée de l’allaitement, et notamment après 2 ans [3].
Ou l’étude qui a étudié la composition métabolique et bactérienne du lait de 62 participantes (mères d’enfants âgés de 3 à 48 mois), et a conclu que sa composition restait remarquablement stable tout au long de la période d’allaitement [4].
Ou celle faite sur plus de 700 dyades mères/enfants (âgés de 7 à 12 ans) qui a montré qu’avoir été allaité plus de 12 mois augmentait la probabilité de consommer des légumes aux différents repas [5].
Ou encore celle qui a permis de constater que le lait des mères qui allaitaient depuis plus de 12 mois avait un taux significativement plus élevé de protéines par rapport aux échantillons fournis en début de lactation. Leur lait avait également un taux plus élevé de lipides, ce qui se traduisait par un apport calorique plus élevé [6].
Sans même parler de toutes les études montrant un impact dose-dépendant de l’allaitement sur la santé de la mère allaitante.
Qui peut encore dire qu’allaiter plus de quelques mois ne sert à rien (voire est nocif) ?
J’ose espérer que le regard de la société sur l’allaitement « long » est en train de changer. Un signe qui va dans ce sens : les lactariums français vont très bientôt accepter le lait de femmes allaitant un bébé de plus de 6 mois, alors qu’ils le refusaient jusque-là. Sans doute parce que les études sur la composition du lait dont on a parlé plus haut ont montré que non, il ne se transformait pas en eau à ce moment-là !
[1] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/DD53%20Sources%20et%20methodes-CS9.pdf
[2] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/DD54%20Sources%20et%20methodes-CS24.pdf
[3] Czosnykowska-Lukacka M et al., Changes in human milk immunoglobulin profile during prolonged lactation, Front Pediatr 2020 ; 8 : 428.
[4] Shenker NS et al., Metabolomic and Metataxonomic Fingerprinting of Human Milk Suggests Compositional Stability over a Natural Term of Breastfeeding to 24 Months, Nutrients 2020 ; 12(11) : 3450.
[5] Hamulka J et al., Analysis of Association Between Breastfeeding and Vegetable or Fruit Intake in Later Childhood in a Population-Based Observational Study, Int J Environ Res Public Health 2020 ; 17(11) : E3755.
[6] Sinkieqicz-Darol E et al., Why is it worth to breastfeed over one year ? A study from human milk bank in Torun, Poland, Breastfeed Med 2019 ; 14(Supp 2) : S-5.
Illustration de Aure Lhermite.
Bonjour, merci pour cet article. Je suis étonnée par le commentaire concernant le lactarium. Mon bébé a quatre mois et demi et je donne au lactarium d’Île-de-France depuis un mois. À aucun moment, que ce soit dans l’entretien préalable ou dans les documents d’information, cette limite de six mois d’âge n’a été mentionnée. Alors peut-être que le progrès que vous évoquez était déjà en place, et tant mieux en tous les cas si cela avance.
Comme j’ai écrit l’article début 2021, je suppose que oui, le changement a eu lieu depuis. Et c’est heureux !