Grands-parents : les choses à faire et surtout à ne pas faire

Grands-parents : les choses à faire et surtout à ne pas faire

Article paru dans le n° 84 de Grandir autrement, novembre 2020.

Savez-vous qu’il existe une « école des grands-parents » ? (1) Est-ce à dire qu’il faut apprendre à être grand-parent ? Que ce n’est pas inné ? Qu’il y a des choses à savoir sur les gestes à faire et à ne pas faire, sur les mots à dire et à ne pas dire ?
Peut-être bien que oui. Il y a une dizaine d’années, j’ai publié un petit livre sur la grand-parentalité (2) dont le dernier chapitre s’intitulait « À ne pas faire ». J’ai mis ce « petit vade-mecum à l’usage des grands-parents » en ligne sur mon site, et depuis, c’est toujours la page la plus visitée (3).
Je ne sais pas si ce sont en majorité des grands-parents ou des parents qui viennent le lire, mais pour moi, c’est bien le signe qu’il y a à dire sur les relations entre grands-parents et (nouveaux) parents.
C’est ce petit vade-mecum que je vais donc reprendre ici en partie.

Ne pas chercher à plaquer son expérience de la maternité

Bien sûr, il est normal que la venue d’un petit-enfant, surtout le premier, fasse remonter chez les futurs nouveaux grands-parents plein de souvenirs, heureux ou moins heureux, de leurs propres maternités et paternités. Mais essayer de les plaquer sur ce que vivent leurs enfants devenant parents ne peut être que délétère. Dire par exemple : « Je n’ai pas pu allaiter, toi non plus tu ne pourras pas ; dans notre famille, les femmes n’ont pas de lait. » Ou : « Je ne comprends pas que tu veuilles accoucher sans péridurale ; moi, j’ai souffert le martyre, j’aurais bien aimé l’avoir ! » Ou encore : « Avec toi et tes frères, on n’a jamais eu de problème avec le sommeil : on vous posait dans votre berceau et c’était parti pour la nuit. »

Ne pas vouloir à tout prix pouponner le bébé

Les premiers temps après la naissance, l’aide dont ont besoin les nouveaux parents, ce n’est pas qu’on prenne en charge le bébé, mais qu’on assure l’intendance (courses, ménage…) et qu’on s’occupe des aînés, pour leur permettre de se consacrer au bébé. Bien sûr, il est moins gratifiant de passer la serpillière que de faire des guili-guili au nouveau-né, mais il faut vraiment résister à la tentation de prendre le bébé des bras de ses parents…
Cela dit, si ceux-ci le demandent parce que, à un moment donné, ils ont vraiment besoin d’un relais, il faut aussi savoir prendre le bébé en charge et offrir des « bras supplémentaires » (4).

Ne pas imposer sa présence

Autant les nouveaux parents peuvent avoir envie d’une aide, autant ils peuvent souffrir si cette aide (encore plus si elle n’a pas été sollicitée !) se transforme en une occupation permanente de leur territoire. Quand la mamie vient systématiquement tous les après-midis, on préfèrerait parfois qu’elle n’habite pas à trois maisons de là…

Ne pas faire de comparaisons entre ses enfants ni entre ses petits-enfants

Même si certains pensent que la rivalité entre frères et sœurs n’est pas une fatalité, il n’en reste pas moins que c’est un phénomène fréquent, qui peut durer au-delà de l’enfance et se réactiver quand ils deviennent parents à leur tour. Cette rivalité peut se manifester de différentes façons, essentiellement par des critiques, explicites ou implicites, sur la façon dont l’autre agit avec ses enfants ou sur les enfants eux-mêmes.
Les grands-parents doivent à tout prix éviter d’entrer dans ce jeu et de prendre parti pour l’un ou pour l’autre, au risque de conséquences catastrophiques.
Ils doivent également essayer de ne pas favoriser les uns par rapport aux autres, même (et surtout) s’ils ont leurs préférences. Les fêtes familiales (Noël, anniversaires…) peuvent devenir, si l’on n’y prend garde, des chausse-trappes redoutables où éclatent les rancœurs.

Ne pas offrir quelque chose dont on n’est pas sûr que les parents ont besoin ou envie

Surtout si l’objet en question suppose un mode de puériculture contraire à ce que font les parents, car cela peut être vécu par eux comme une critique de ce qu’ils font. Exemple : offrir un lit à barreaux à des parents qui pratiquent le cododo.
Et même si cela part d’un bon sentiment et est reçu comme tel, c’est vraiment de l’argent gaspillé et un objet encombrant de plus. Les beaux-parents de Julie lui ont offert « un super landau, avec un fond en tissu tout blanc. C’était comme dans les livres ! Luka y est allé deux fois : quand ils sont venus chez nous ! Nous, on avait l’écharpe… »

Ne pas saper systématiquement l’autorité des parents

Au-delà de cette histoire de cadeaux, les règles de vie choisies par les parents sont à respecter.
Même si elles peuvent être légèrement différentes chez les grands-parents, il n’empêche qu’il n’est pas bon de systématiquement prendre le contre-pied des parents, surtout quand on est chez eux. Car c’est une façon insidieuse d’infantiliser ces derniers, et de pourrir leur relation avec leurs enfants. Comme le dit une mère : « Je refuse que les grands-parents “repassent” derrière moi. Si nous, parents, avons autorisé quelque chose, les grands-parents n’ont pas à l’interdire (ni aucun autre membre de la famille), au moins chez nous. Une visite de la famille ne doit pas se transformer en inspection générale, ni en jugement dernier ! »

Ne pas exiger d’ »avoir » ses petits-enfants

Cette volonté d’accaparement est d’autant plus malvenue que l’enfant est plus petit. Vouloir avoir pour la nuit, voire plusieurs jours, un bébé de 3 mois peut être une vraie violence si l’enfant n’y est pas prêt et que ses parents ne le sentent pas prêt.
Chez certains, elle peut correspondre à une envie de faire avec ses petits-enfants ce qu’on n’a pas pu/voulu faire avec ses enfants. C’est ce que cette mère observe dans sa famille : « Ma mère aurait souhaité s’occuper de nous, mais ne l’a pas pu, pour diverses raisons. J’ai été gardée d’abord par ma grand-mère puis une nounou, et mes deux sœurs par des nounous. Aujourd’hui, je ressens très bien chez elle une envie de rattraper le temps perdu. Elle n’arrive pas à profiter du moment présent, et trouve toujours qu’elle ne voit pas ses petits-fils assez longtemps ni assez souvent. »

Refuser son aide par principe

S’il y a des grands-parents qui veulent à toute force garder leurs petits-enfants alors que les parents sentent que ce n’est pas encore le moment, à l’inverse il peut y en avoir qui refusent de le faire alors que leurs enfants le leur demandent.
S’ils ne s’en sentent pas capables (par exemple, ils ne se sentent plus l’énergie de s’occuper d’un bambin très remuant), cela se comprend et peut être entendu par les parents. Mais s’ils refusent parce qu’ils estiment que l’enfant est trop petit pour quitter ses parents, même si c’est à juste titre, cela risque d’être mal pris par ceux-ci, car ressenti comme un jugement, une critique.
Mieux vaut sans doute accepter tout en proposant des aménagements : par exemple, la première fois, juste la soirée et pas toute la nuit, ou un jour au lieu de tout un week-end… Et voir comment les choses se passent.

Une des grandes joies quand on devient grand-parent, c’est de voir son enfant devenir parent. Pouvoir le soutenir dans ce « devenir parent », répondre à ses questions quand il en a et qu’on le peut (et ne surtout pas donner de conseils non sollicités !), l’écouter quand il s’interroge, le soulager dans la mesure de ses moyens, être présent sans être intrusif, trouver sa juste place, tout cela fait partie de l’art d’être grand-parent.
Être des grands-parents « suffisamment bons », c’est tout autant, sinon plus, « bien-traiter » ses enfants devenant parents qu’aimer ses petits-enfants.

 

1 École des Grands-Parents Européens, www.egpe.org
2 Le nouvel art d’être grand-parent, Éditions Marabout (2024).
3 https://www.claude-didierjean-jouveau.fr/2016/08/24/grands-parents-petit-vade-mecum-choses-a-ne-faire/
4 Voir Les alloparents, c’est quoi, ça sert à quoi ?

About The Author

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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