On a trouvé les neurones de l’instinct parental
Voilà bien longtemps qu’on s’écharpe autour de l’instinct maternel. Existe-t-il ou pas ? Prendre soin des petits, est-ce un comportement « naturel », basé sur la physiologie féminine, et donc instinctif, ou bien est-ce « culturel », appris, voire imposé par la société (1) ?
Les travaux de la neurobiologiste franco-américaine Catherine Dulac pourraient bien aider à trancher le débat. Ils datent de plusieurs années (2), mais ils m’avaient échappé.
On en a reparlé récemment parce qu’elle a reçu le prix Breakthrough 2021 en sciences de la vie.
Ces travaux, réalisés sur des souris, ont permis d’identifier les circuits neuronaux qui contrôlent le comportement parental.
Pour la chercheuse, « l’instinct, c’est justement le fonctionnement de ces neurones, qui sont, je parie, dans le cerveau de tous les mammifères et disent à l’animal, quand il y a des signaux sur la présence de nouveau-nés : “Tu dois t’en occuper” (3) ».
DES SOURIS ET DES HOMMES
Ces neurones sont divisés en plusieurs sous-ensembles et communiquent avec vingt zones différentes du cerveau. Ainsi, quand ils sont activés, les neurones d’un de ces sous-ensembles favorisent le largage… d’ocytocine. Eh oui, voilà qu’on retrouve notre amie l’ocytocine ! (4)
Certes, il s’agit de souris, mais Catherine Dulac pense que « ce qu’on a trouvé peut s’étendre à d’autres espèces », dont les humains.
Et pas seulement les femmes. En effet, son équipe a trouvé ces mêmes neurones dans le cerveau des mâles. De même qu’elle a trouvé les circuits neuronaux pouvant amener les mâles à tuer les petits dans le cerveau des femelles. Ce qui fait qu’une mère stressée peut en arriver à tuer ses petits ou qu’un mâle peut finir par s’en occuper.
Et c’est là qu’on retrouve la culture et la société ! Les hommes peuvent être « des mères comme les autres » (voir plusieurs de mes chroniques précédentes) si l’on permet à leurs « neurones parentaux » de s’activer ! Et la meilleure façon d’y arriver, c’est de faire en sorte qu’ils soient présents dès la naissance et puissent partager la vie de leur nouveau-né (5).
EXPÉRIENCES SUR LES ANIMAUX
Je voudrais ajouter ici une remarque.
Lorsque j’ai posté cette recherche sur mon compte Facebook, j’ai eu plusieurs réactions du style « vous qui respectez tellement les bébés, pouvez-vous arrêter de poster des études sur les animaux ? »
Alors oui, vous l’avez sûrement remarqué, j’aime bien citer des études quand elles confortent mes idées sur le maternage.
Et oui, un certain nombre d’entre elles sont faites sur des animaux, souvent sur des rats ou des souris, qui ont des comportements parentaux proches de ceux des humains.
Et on peut être contre les expériences sur les animaux, mais on ne peut pas ignorer les résultats de celles qui sont faites de toute façon. Une grande partie de la littérature sur le maternage vient d’études sur les animaux qui eux aussi maternent leurs petits.
Je continuerai donc à partager les résultats d’études sur le comportement parental et le maternage, même si elles ont été faites sur des animaux.
1 On connaît l’opinion d’Élisabeth Badinter sur le sujet, voir son ouvrage L’amour en plus, Éditions Le Livre de Poche (2001, première édition 1980).
2 Catherine Dulac et al., Functional circuit architecture underlying parental behaviour, Nature, 2018, 11 avril.
3 Catherine Dulac récompensée pour sa découverte sur l’instinct parental, Le HuffPost avec AFP, 15 septembre 2020.
4 On a découvert les neurones de l’amour parental, Libération, 30 avril 2018,
5 En ce sens, l’allongement du congé paternité à 1 mois prévu pour la mi-2021 est, bien qu’encore insuffisant, une très bonne chose.
Chronique parue dans le n° 85 de Grandir autrement, janvier 2021.
À écouter, l’émission de la Méthode scientifique du 28/01/2021 : Instinct parental, mais où se cache-t-il donc ?