Qui a intérêt à présenter l’allaitement comme difficile ?
Ces derniers temps, on a vu apparaître sur le net plusieurs articles, largement partagés sur les réseaux sociaux, portant sur la difficulté à allaiter.
C’est par exemple le texte de Leah Kingsbury, une Américaine de Nashville (États-Unis), publié sur Instagram, commenté plus d’un millier de fois, et relayé par nombre de sites français. Elle y écrivait notamment : « L’allaitement est difficile. C’est vraiment, vraiment dur. Parfois, je ne peux même pas expliquer ce qui le rend si difficile. L’incertitude, la responsabilité, l’engagement, l’inconfort… pour n’en nommer que quelques-uns. »
Ce qui est vrai. Et ce ne sont pas les animatrices LLL qui vont le nier, elles qui répondent quotidiennement à des mères se débattant dans ce genre de difficultés, et qui connaissent leur origine : manque d’informations de qualité et de soutien, notamment au démarrage, isolement, idées fausses…
La sincérité de cette mère n’est pas à mettre en doute. Mais… mais… on peut s’interroger sur une possible instrumentalisation de ce genre de discours par les fabricants de lait artificiel qui ont tout intérêt à donner cette image de l’allaitement : allaiter, c’est super, c’est le mieux, mais c’est très difficile (alors que nos produits sont tout aussi bien, et tellement plus faciles à utiliser…).
On peut d’autant plus s’interroger quand on connaît la mésaventure arrivée en février dernier au Dr Amy Brown, professeure britannique en santé publique, spécialisée en nutrition infantile, auteure d’articles et d’un ouvrage sur l’allaitement (Breastfeeding Uncovered: Who really decides how we feed our babies?, Pinter & Martin, 2016). Elle a raconté sur son compte Twitter (voir ci-dessous) comment elle avait reçu un courrier lui proposant d’écrire un article expliquant pourquoi le taux d’allaitement est si bas en Grande-Bretagne (il est un peu plus haut qu’en France…). Cet article devait insister sur « les voix des femmes qui apparemment disent toutes que l’allaitement est trop difficile, et sur les femmes qui finissent par se sentir coupables ». Elle n’aurait pas vraiment à écrire l’article, juste à y jeter un œil, à prétendre l’avoir écrit, à le signer et à le proposer à une revue renommée dans le domaine de la nutrition infantile. Et pour cela… elle recevrait de l’argent de l’industrie des laits artificiels.
Édifiant, n’est-ce pas ? Bien sûr, Amy Brown a refusé. Mais combien acceptent le deal ?
Éditorial du n° 111 d’Allaiter aujourd’hui, 2017.
Dans le même ordre d’idée, voir le post du blog Histoire de maman, « La publicité malhonnête des préparations commerciales pour nourrissons »
C’est affligeant. Oui l’allaitement a ses difficultés mais ce n’est pas si difficile que ça, du moins pas au niveau que le laisse entendre ce genre de témoignage. Et il est aussi dangereux de faire une généralité. Non tous les allaitements ne sont pas un calvaire et j’en suis la preuve : 14 mois d’allaitement sur une voie lactée tranquille (à part les quelques ajustements du début).
N’est-ce pas là un des symptômes d’une des plus grandes maladies de notre société actuelle : ne plus supporter la moindre difficulté, le moindre obstacle ?
Nous sommes pourtant apte à les surmonter mais aujourd’hui nos vies doivent être facile, sans obstacles, voire sans aspérités, complètement aseptisées.
Je trouve cela horrible.