Les gadgets de l’allaitement, vraiment nécessaires ?
Article paru dans le hors-série de Grandir autrement Do it yourself du maternage.
L’équipement de base de l’allaitement est simple : corps, seins fonctionnels et bébé à la succion efficace, ainsi qu’informations à jour sur l’allaitement, confiance en soi et parfois soutien. Les accessoires dont on l’affuble sont loin d’être tous utiles, et s’ils le sont, ils peuvent généralement être fabriqués maison.
On pourrait dire que l’allaitement maternel, c’est vraiment le triomphe du « do it yourself » : pas besoin d’acheter du matériel ni un produit industriel comme avec l’alimentation au biberon, et pas besoin de s’en remettre à un « expert » qui vous dit ce qu’il faut faire. On produit soi-même, pour une consommation immédiate, sans instrument ni intermédiaire !
Mais, comme je l’écrivais dans Allaiter aujourd’hui il y a déjà près de vingt ans, « la consommation étant reine, il était hors de question que les femmes allaitantes échappent complètement aux lois du marché. On tente donc de créer un ‘marché de l’allaitement’ en présentant toute une panoplie de gadgets censés être indispensables à la femme qui allaite. Alors que, pour quelques-uns qui sont vraiment utiles dans certaines circonstances bien définies, beaucoup d’autres sont au mieux inutiles et au pire nuisibles ».
Alors, si on faisait le point ?
Crèmes, pommades, etc.
Commençons par le commencement : nul besoin de se badigeonner d’huile ou de crème pour « préparer » ses seins avant l’accouchement, ils se préparent tout seuls !
De même, une fois le bébé là, rien ne sert de se tartiner les seins de pommades diverses dans le but d’éviter les crevasses : si certains produits (notamment la lanoline purifiée) peuvent aider à leur cicatrisation quand elles sont là, ils n’ont pas pour autant d’effet préventif.
Surtout, il existe un produit naturel, toujours disponible, qui a une odeur familière au bébé, un bon goût, est non allergisant et efficace, car rempli d’anticorps (pour éviter une surinfection) et de facteurs de croissance (pour régénérer la peau) … et gratuit, c’est votre lait !
Ainsi, on peut, à la fin de la tétée, étaler sur le mamelon et l’aréole un peu de colostrum ou de lait de fin de tétée. On peut aussi l’utiliser en cas de crevasses, en imbibant des compresses qu’on applique sur le mamelon et qu’on protège de film alimentaire pour les garder humides.
Coquilles, coupelles et coussinets
Très nombreux sont les dispositifs visant à contrer les « fuites » de lait (à noter que certaines mères n’en auront jamais) et/ou à protéger les mamelons : coupelles recueille-lait, coquilles « protège-mamelon », coussinets jetables, coussinets lavables, coussinets en silicone…
Les coussinets lavables sont faciles à confectionner soi-même. Cherchez sur votre moteur de recherche « coussinets d’allaitement à faire soi-même », et vous trouverez plein de tutos. Il est vrai que ce n’est pas de la couture compliquée !
Encore plus simple : utiliser de simples mouchoirs en coton doux pliés en quatre.
Et encore moins cher : comprimer le mamelon (en appuyant directement dessus ou en croisant fermement les bras sur la poitrine) peut suffire à stopper l’écoulement de lait !
Soutiens-gorge, vêtements et capes
La question du soutien-gorge d’allaitement est abordée dans cette page. Mais qu’en est-il des vêtements spécial allaitement ?
Longtemps, on n’en a pas trouvé en France et il fallait les acheter aux États-Unis si on en voulait. Aujourd’hui, on en trouve facilement, en boutique ou sur Internet, à des prix plus ou moins élevés.
Mais sont-ils vraiment nécessaires ? La bonne vieille méthode consistant à porter un haut et un bas séparés, le haut (chemise, T-shirt, sweat-shirt, pull…) étant assez large et vague pour être facilement soulevé, n’est-elle plus valable ? Bien sûr que si ! Pour raffiner, on peut superposer deux hauts, ce qui permet, en en soulevant un et en abaissant l’autre, de ne pas se retrouver le ventre à l’air.
On peut aussi adapter des vêtements existants, par exemple en créant une fente dans un pli. On peut enfin, si l’on a la fibre couturière, confectionner soi-même des vêtements spécial allaitement. Là encore, Internet regorge de patrons de robes, nuisettes, pulls et débardeurs.
Et parlons aussi des capes d’allaitement, que j’appelle plutôt des « bavoirs pour allaitement », qu’on peut bien sûr très facilement confectionner soi-même (un grand bavoir, ce n’est pas bien compliqué…), mais que j’ai personnellement en horreur. Comme l’écrivait Ségolène Finet sur son blog à propos d’un « fauteuil d’allaitement » : « Autant avoir un panneau avec une flèche et écrit en gros, ‘cette femme allaite, vous pouvez lui jeter des cacahuètes’ ! »
Tirer son lait
Si l’on a besoin de tirer son lait, que ce soit ponctuellement ou régulièrement, on pense obligatoire d’acheter ou de louer un tire-lait. Pourtant, comme le dit Marie Courdent, animatrice LLL et consultante en lactation, « on oublie que tirer son lait à la main est ce qu’il y a de plus pratique, de plus silencieux, de plus économique et de plus hygiénique (pour peu que l’on se soit lavé les mains au préalable). C’est un coup de main qui s’apprend vite et peut rendre de grands services ».
Pour conserver ce lait tiré, on peut bien sûr acheter tout un tas de récipients ad hoc, mais on peut tout aussi bien utiliser des sacs à glaçons, des petits pots pour bébé en verre, des pots à confiture, des pots à yaourt en verre, des petites bouteilles de jus de fruit, etc.
Et pour le (faire) donner au bébé, pas besoin d’acheter de biberons, d’autres contenants peuvent faire l’affaire : cuillère, pipette, seringue à médicaments, petit gobelet sans couvercle, tasse à bec, paille…
Je me souviens d’une anthropologue racontant avoir vu une femme d’une contrée reculée tirer son lait à la main, le recueillir dans la paume de l’autre main pour le verser directement dans la bouche de son bébé trop faible pour téter.
Et si l’on revenait nous aussi à plus de simplicité au lieu de nous encombrer de tout un matériel qui complique souvent l’allaitement au lieu de le faciliter ?
PS. Je n’ai pas abordé dans cet article des matériels plus « techniques » qui peuvent (ou pas) être utiles dans certains cas particuliers (bouts de sein, DAL, Niplette pour bouts de seins ombiliqués…) et qu’on peut de toute façon difficilement « faire soi-même » (quoique… on peut remplacer la Niplette par une simple seringue dont on a découpé le fond, enlevé l’aiguille et remis le piston en passant par le fond). Pour en savoir plus, voir, sur le site de LLL France, la page Le matériel autour de l’allaitement.
Voir aussi Le business du maternage proximal.
Note à propos de l’illustration. Autant je déteste tous les dispositifs censés « cacher » l’allaitement, autant j’aime ces bonnets pour bébé en forme de seins, tricotés par les habitants du petit village de Tolsta Chaolais, sur l’île de Lewis (Écosse), dans le but que ces couvre-chefs soient portés par des nourrissons partout dans le pays et que les femmes qui donnent le sein ne passent plus inaperçues.