Les câlins influent sur l’ADN !
Alors que Libération s’attaque au « mythe de l’enfant parfait » [1], heureusement contré par une tribune [2] et une pétition [3], il est bon de savoir que, sans prétendre être « parfait », être un « parent-chercheur », comme dirait Odile Anot [4], cela fait vraiment la différence pour le devenir des enfants.
Connaissez-vous par exemple l’expérience (involontaire) faite dans les années 1970 sur des lapins à qui l’on faisait ingurgiter une nourriture provoquant des problèmes cardio-vasculaires ? Un groupe de lapins avait vu ces symptômes réduits de 60 % par rapport aux autres. Pourquoi ? Mystère… jusqu’à ce que l’on découvre que l’étudiant qui s’occupait de ces lapins-là aimait les câliner un à un avant de les nourrir ! [5]
Tout récemment, une étude a même montré que les câlins pouvaient… influer sur l’ADN.
Comme vous le savez, nous naissons tous avec certains gènes, hérités de nos deux parents. Jusqu’à il y a peu, certains pensaient pouvoir tout expliquer par la génétique : si l’on avait les yeux bleus, c’était les gènes ; si l’on était diabétique, c’était les gènes ; si l’on était autiste, c’était les gènes…
Et puis est arrivée l’épigénétique qui « s’intéresse à une « couche » d’informations complémentaires qui définit comment ces gènes vont être utilisés par une cellule… ou ne pas l’être » [6].
On peut avoir hérité d’un gène prédisposant au cancer du sein ou au diabète et ne jamais souffrir ni de l’un ni de l’autre si les facteurs environnementaux (alimentation, polluants, etc.) ne sont pas là pour permettre à ce ou ces gènes de « s’exprimer ».
On sait depuis longtemps l’importance du contact et du toucher pour le bon développement de nos bébés [7]. On savait déjà par des expériences chez des animaux que le toucher des petits par la mère provoquait des modifications épigénétiques par méthylation de l’ADN. L’expérience dont je veux vous parler est la première à avoir observé la même chose chez des bébés humains [8].
Les chercheurs (Colombie britannique) ont suivi une centaine d’enfants pendant quatre ans. Ils ont d’abord demandé à des parents de bébés âgés de 5 semaines de tenir un journal du comportement de l’enfant (pleurs, sommeil, alimentation…) et aussi de garder trace de la fréquence et de la durée de leurs contacts physiques avec lui. Puis, quand les enfants ont eu aux alentours de 4 ans ½, les chercheurs leur ont fait un prélèvement buccal afin d’avoir un échantillon d’ADN, et ont regardé s’il y avait une différence entre ceux qui avaient été beaucoup touchés bébés et ceux qui l’avaient moins été.
Et oui, il y avait bien une différence ! Les cellules de ceux qui avaient été moins touchés étaient moins matures qu’elles n’auraient dû l’être étant donné l’âge des enfants. Sarah Moore, l’auteur principal de l’étude, a bien l’intention de poursuivre la recherche pour voir « si cette « immaturité biologique » observée chez ces enfants peut avoir des implications pour leur santé, et en particulier leur développement psychologique ».
Alors, oui, câlinons nos bébés, caressons-les, portons-les… nous leur donnons ainsi plus de chances de devenir des adultes confiants, équilibrés et heureux de vivre [9] !
[1] « Éducation bienveillante » : le mythe du parent parfait, 6 février 2018.
[2] Après la “liberté d’importuner », celle de corriger ?, 15 février 2018.
[3] Appel à légiférer contre toutes les violences envers les enfants
[4] facebook.com/parent.chercheur
[5] Voir la page sur le site de Kaisen : Le pouvoir des câlins
[6] Sur le site de l’Inserm
[7] Voir La peau et le toucher d’Ashley Montagu, les travaux de Harlow, ceux de Spitz sur l’hospitalisme.
[8] Moore SR et al, Epigenetic correlates of neonatal contact in humans, Development and Psychopathology 2017 ; 29(5) : 1517-38.
[9] Voir aussi l’étude de Maselko et al. sur le maternage « extravagant », que j’adore citer et dont je parle ici.
Chronique parue dans le n° 70 de Grandir autrement, mai 2018
Super intéressant, merci de rendre ainsi accessible ces recherches !
Marie-Pierre