Le bébé et l’eau du bain

Le bébé et l’eau du bain

Article paru dans le n° 70 de Grandir autrement, mai/juin 2018.

Les bébés et l’eau : une relation pas toujours simple, entre ceux qui sont comme des poissons dans l’eau (rappel du bonheur utérin ?) et ceux pour qui cet élément est loin d’être leur favori…

Le bain à la naissance

Le bain « à la Leboyer » a incontestablement représenté, dans les années 1970, une recherche de naissance plus humaine, et l’on a tou·te·s en tête les images de nouveau-nés le sourire béat dans leur petite baignoire [1].

On est, depuis, revenu de ce bain à la naissance. En effet, ne pas baigner immédiatement le nouveau-né permet de lui laisser ses repères olfactifs : l’aréole du sein maternel sécrétant une odeur proche de celle du liquide amniotique, si le bébé conserve cette odeur sur les doigts et les poings qu’il porte alors à sa bouche, il trouvera d’autant plus facilement le chemin du sein [2].

Et si, comme le préconise l’Initiative « hôpital ami des bébés » (IHAB), on met « les nouveau-nés en contact peau-à-peau avec leur mère immédiatement à la naissance et pendant au moins une heure », et que l’on « encourage les mères à reconnaître quand leur bébé est prêt à téter », une fois que celui-ci a enfin trouvé le sein, on n’a pas spécialement envie de l’en arracher pour le mettre à l’eau…

L’expérience faite dans une maternité IHAB de Boston [3] est venue confirmer l’intérêt de repousser le bain. Alors que, auparavant, les bébés y étaient baignés environ deux heures après leur naissance, à partir de 2010, le bain a été repoussé après 12 heures de vie. Résultat : une hausse du taux de démarrage d’allaitement et du taux d’allaitement exclusif.

Les premiers jours

On peut même repousser à plus de 12 heures ! Nul besoin, dans les jours qui suivent la naissance, de baigner le bébé et de l’« astiquer » à l’eau et au savon (quand ce n’est pas avec des produits contenant des substances toxiques…). Il suffit de nettoyer régulièrement ses fesses.

Le mieux serait sans doute de ne pas enlever du tout le vernix, cet enduit blanchâtre qui recouvre le corps de l’enfant à la naissance et que la peau absorbera en quelques jours. Contenant des matières grasses, des albuminoïdes, des sels minéraux et des vitamines, il protège la peau du bébé des germes infectieux, la nourrit, et est aussi une protection contre le froid.

Le bain des Kinous

Je voudrais parler ici du bain des Kinous, qui n’est pas un bain « hygiénique », mais un bain réparateur. Mis au point par Laura Menargues au cours de ses trente-six années d’observation du nourrisson et des bébés en général, il vise à « libérer les tout petits de leurs engrammes de naissance qui perturbent leur schéma corporel, et ainsi les aider à retrouver l’amplitude de leur mouvement hélicoïdal primaire qui est le mouvement fondamental de naissance et éviter ainsi les mauvaises postures et déséquilibres à leur corps en devenir » [4].

Et après les premiers jours, le bain quotidien est-il obligatoire ?

Si l’on en croit la plupart des manuels de puériculture, le bain quotidien ferait partie des incontournables de la journée de bébé. Pour certains même, il devrait se faire toujours au même moment de la journée, ce moment variant selon les auteurs, les uns privilégiant le matin, d’autres optant pour la fin de journée.

À la question « Faut-il baigner un enfant tous les jours ? », la dernière édition du Laurence Pernoud répond : « Ce n’est pas indispensable mais conseillé pour la détente que le bain procure. »

Pas mal de bébés ne semblent pas trouver cela si « détendant », et pleurent systématiquement, soit quand on les savonne avant de les plonger dans l’eau, soit quand on les sort de l’eau, voire pendant le bain lui-même.

En fait, un bébé n’a pas une activité telle qu’il ait besoin d’un récurage quotidien ! Si le bain est un moment de plaisir pour le bébé et se(s) parent(s), pas de raison de s’en priver. Mais si c’est une corvée pour eux et un mauvais moment pour lui, on peut fort bien s’en passer [5].

Baignoire enveloppante, bain enveloppé

On pourrait penser que se retrouver dans l’élément liquide permet au bébé de retrouver des sensations intra-utérines et devrait donc lui être agréable. C’est incontestablement le cas pour certains, mais pour d’autres, les changements de température (notamment quand on les sort de l’eau) et le fait de se sentir perdus dans la baignoire – alors qu’ils étaient bien contenus dans l’utérus, en fin de grossesse – semblent franchement désagréables.

D’où l’idée d’utiliser une sorte de baignoire beaucoup plus petite et ronde, où le bébé est quasiment en position fœtale et bien « contenu » (par exemple la baignoire Shantala [6], qu’on trouve sur de nombreux sites marchands de puériculture.), voire de prendre le bain avec lui, le corps du père ou de la mère faisant alors office de « contenant ».

D’où l’idée de ne pas « sortir » le bébé du bain, mais de laisser l’eau partir petit à petit par la bonde, le bébé restant pendant ce temps dans la baignoire (qui, entre parenthèses, peut être le lavabo).

D’où l’idée enfin du « bain enveloppé », qui consiste à baigner son enfant emmailloté dans un lange. Cette façon de faire est particulièrement utilisée en néonatologie, car très adaptée aux bébés prématurés, mais elle ne leur est pas réservée. Elle permet au bébé de se sentir enveloppé « comme dans un cocon », et donc en sécurité [7].

Bain mère/enfant réparateur

Je ne voudrais pas conclure cet article sans parler d’une autre sorte de bain réparateur, en rapport avec l’allaitement.

Quand un bébé a du mal à téter, a un problème de succion, il peut être intéressant que la mère prenne un bon bain chaud avec lui. En plus d’apporter bien-être et détente à l’un comme à l’autre, cela semble avoir pour effet de « remettre les compteurs à zéro », de remettre mère et bébé dans les conditions de la première tétée, juste après la naissance. Dans son ouvrage Complementary and Alternative Medicine in Breastfeeding Therapy, la consultante en lactation américaine Nikki Lee parle de ce « bain réparateur » (remedial co-bathing), décrit à l’origine par la sage-femme australienne Heather Harris, comme un moyen « high-touch and low-tech » de réparer le lien entre la mère et son bébé après un accouchement difficile et un mauvais démarrage de l’allaitement.
Voir (en anglais) : Co-Bathing, a Useful Technique to Restart Breastfeeding, La Leche League International.

Alors, parlons d’un « bon usage » du bain et, bien sûr, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

 

[1] Notamment dans le film et le livre de Leboyer Pour une naissance sans violence.
[2] Voir De la succion intra-utérine à l’allaitement : quel continuum ?
[3] Pree G et al., Delaying the Bath and In-Hospital Breastfeeding Rates, Breastfeeding Medicine 2013 ; 8(6) : 485-490.
[4] http://lamaisondubaindeskinous.com/. Laura Menargues a publié un livre sur le sujet : Le bain des Kinous, AFNIL, 2017.
[5] De même qu’un adulte n’a pas systématiquement besoin d’une douche quotidienne. Mais c’est un autre débat…
[6] Voir une vidéo ici : https://youtu.be/I08kmpyH0XM
[7] Voir une vidéo ici : https://youtu.be/cG11a4KBITs. Voir également l’enveloppe d’apaisement Lilititi.

 

Mise à jour 24/01/2019. Une puéricultrice spécialisée dans le développement auprès de la Mother/Baby Unit du Cleveland Clinic Hillcrest Hospital a enquêté sur les bienfaits de retarder le premier bain suite à des demandes maternelles. « Pour mener ses recherches, elle a recruté 996 paires mère-enfant en bonne santé, parmi lesquelles 448 bébés furent baignés rapidement après être venus au monde et 548 mères qui avaient retardé ce bain d’au moins douze heures. Ses résultats, relayés dans le Journal for Obstetrics, Gynecologic, and Neonatal Nursing, ont montré que les taux d’allaitement exclusif augmentaient de 59,8 % à 68,2 % après le retardement du bain, surtout que les mères étaient plus susceptibles (+ 8 %) d’allaiter exclusivement à la maternité ou l’hôpital lorsque le bain arrivait plus tard. »

About The Author

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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