Les mères sont partout les mêmes

Les mères sont partout les mêmes

Depuis quelques années, les neurosciences viennent régulièrement nous conforter dans l’idée que tous les bébés ont des besoins ; que ces besoins sont les mêmes quelles que soient la société et la culture où ils naissent ; que les pratiques de « maternage proximal » répondent au mieux à ces besoins ; et que si l’on ne les satisfait pas, cela risque d’avoir des conséquences plus ou moins graves sur leur développement en tant qu’être humain [1].
Elles viennent également remettre à l’ordre du jour l’existence d’une sorte d’« instinct maternel », tellement mise en doute par des gens comme Élisabeth Badinter [2].
C’est ainsi qu’une étude a été menée dans 11 pays [3] chez 684 femmes récemment devenues mères pour la première fois [4].

Toutes les mères prennent leur bébé dans les bras…

On a analysé leur comportement en réponse aux pleurs de leur bébé. Résultat :  toutes les nouvelles mères, entendant leur bébé pleurer, ont eu tendance à toujours avoir le même comportement : le prendre dans les bras et lui parler doucement pour le rassurer.
On a ensuite analysé, via des imageries par résonance magnétique (IRM), les zones du cerveau activées quand des femmes entendent les pleurs de leur propre bébé (43 nouvelles mères américaines) ou de bébés en général (44 mères chinoises expérimentées et 12 Italiennes, mères ou non). Résultat : les images montrent que ces pleurs activent des régions spécifiques, liées à l’intention de se déplacer et de parler, ainsi que des zones frontales impliquées dans le langage et la capacité de parler et d’interpréter des sons. Les cerveaux des femmes qui n’étaient pas mères ne s’activaient pas de la même façon.

Pour les auteurs de l’étude, « Ces résultats laissent penser que les réponses des mères aux pleurs de leur bébé sont bien programmées dans le cerveau et communes à l’ensemble des cultures ».
Les bébés humains ont bien tous les mêmes besoins partout dans le monde. Et les mères ont bien toutes les mêmes réponses, quelle que soit la culture dont elles font partie.

… et cela influe sur son ADN !

Une autre étude récente a donné des résultats étonnants.
Des chercheurs de l’University of British Columbia et du BC Children’s Hospital Research Institute ont suivi une centaine d’enfants pendant quatre ans [5]. Lorsqu’ils avaient 5 mois, on a demandé à leurs parents de tenir un journal de la vie quotidienne de l’enfant (sommeil, alimentation, pleurs…) et aussi de garder trace de tous les moments de soin qui supposaient un contact physique avec lui (fréquence et durée).
Lorsque les enfants ont eu aux alentours de 4 ans ½, on leur a fait un frottis buccal pour voir s’il y avait des différences au niveau de la méthylation de leur ADN [6].
Eh bien oui, il y en avait : les cellules des enfants qui avaient eu peu de contacts physiques avec leurs parents (low-contact children) étaient moins matures qu’elles auraient dû l’être à leur âge. Ce qui pouvait entraîner des retards de croissance et de développement.

Selon les chercheurs, c’est la première fois qu’on montre que le toucher « a des conséquences très profondes et potentiellement à vie sur l’épigénome – c’est-à-dire les changements biochimiques qui affectent l’expression des gènes ».
Quand l’épigénétique vient confirmer les travaux de Harlow, Spitz, Montagu [7], etc., sur l’importance du toucher et les conséquences de sa privation…

 

[1] Voir l’ouvrage de Margot Sunderland, qui vient de reparaître sous le titre La Science de l’enfant heureux. Épanouir son enfant grâce aux découvertes sur le cerveau (De Boeck, 2017). Et celui de Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau (Pocket, 2015).
[2] L’Amour en plus, 1980.
[3] Argentine, Belgique, Brésil, Cameroun, France, Israël, Italie, Japon, Kenya, Corée du Sud et Etats-Unis. Oui, en France aussi !
[4] Bornstein MH et al., Neurobiology of culturally common maternal responses to infant cry, Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) 2017 ; 114(45) : E9465–E9473.
[5] Holding infants – or not – can leave traces on their genes, UBC Faculty of Medicine,  communiqué du 27 novembre 2017.
[6] « La méthylation de l’ADN agit comme un « patron » qui conditionne l’expression des gènes dans chaque cellule […] Chez les mammifères, le processus de méthylation de l’ADN est de plus influencé ensuite par des facteurs environnementaux : sociaux, nutritionnels et toxicologiques. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Méthylation)
[7] Lisez ou relisez son ouvrage La Peau et le toucher, il n’a pas pris une ride !

 

Chronique parue dans le n° 69 de Grandir autrement, mars 2018

About The Author

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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