Les mots aussi font mal
Les violences verbales peuvent faire tout aussi mal que les violences physiques, et avoir des conséquences tout aussi graves sur le développement de l’enfant. Il est urgent d’en informer les parents et la société toute entière.
Dans mon petit Jouvence datant de 2002 Pour une parentalité sans violence, j’écrivais : « La violence, ce n’est pas que les coups. La violence, c’est aussi la maltraitance psychologique : violence verbale, humiliations, dévalorisation, etc., etc. »
Je ne peux donc qu’applaudir des deux mains l’initiative conjointe de l’OVEO (Observatoire de la violence éducative ordinaire) et de Stop VEO, Enfance sans violences [1], qui ont lancé en septembre 2017 « la première campagne grand public de sensibilisation télévisée et Internet sur l’impact des violences verbales parentales dans l’éducation des enfants en France » [2].
Phrases assassines
La campagne comprend notamment un clip vidéo percutant intitulé Les mots qui font mal [3], avec des exemples de ces petites phrases assassines qui font tant de mal, comme « Laisse tomber, tu n’y arriveras jamais », « Mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir un fils comme toi ! », « Si j’avais su, j’aurais pas eu d’enfant », « De toute façon, tu as toujours été plus lent que ton frère », « Tu ne devrais pas mettre ce T-shirt, il te fait des gros bras »…
Comme le dit l’OVEO, ces phrases sont des violences, parties intégrantes de la « violence éducative ordinaire ». Elles ont un effet sur le développement de l’enfant, compromettent sa confiance en lui et son estime de soi et auront des conséquences sur l’adulte qu’il deviendra.
Et même si la répétition de ce genre de « remarques », mois après mois, année après année, aggrave bien évidemment la blessure, il peut suffire d’une seule phrase, dite une seule fois, pour atteindre l’image de soi, la confiance en soi. C’est ainsi que la remarque d’un proche, dite lorsque j’avais 13 ans, selon laquelle j’avais « le buste trop long » (?!), me revient toujours plus de cinquante ans après… Et je suis sûre que nombreux.ses sont parmi nous celles et ceux qui se souviennent ainsi de « petites » phrases dites sur eux. Des petites phrases avec de possibles grandes conséquences.
Harcèlement
On sait maintenant, grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale, que « des modifications structurales et biochimique permanentes interviennent dans le cerveau d’un enfant ayant été victime de maltraitance psychologique » [4] : mort de cellules et/ou faible activité dans le gyrus cingulaire antérieur, altération des connexions et systèmes cérébraux qui aident à gérer le stress, modification permanente des systèmes adrénergiques, anomalie du vermis cérébelleux dont le dysfonctionnement a été associé au TDAH, à la dépression et aux troubles de l’attention… [5]
Tous ces dommages s’observent chez les enfants victimes de harcèlement à l’école, au collège… de la part de leurs pairs.
Que dire alors des enfants harcelés par ceux-là même qui devraient au contraire les défendre et les protéger, leurs parents ?
Oui, il est plus qu’urgent d’informer sur ces violences verbales, souvent minimisées et considérées comme insignifiantes (combien d’enfants qui réagissaient mal à de telles remarques se sont vus reprocher leur « manque de sens de l’humour »…), afin que tout le monde sache enfin quel mal elles peuvent faire.
[1] http://stopveo.org/
[2] www.oveo.org/lancement-de-la-1ere-campagne-de-sensibilisation-sur-limpact-des-violences-verbales/
[3] www.youtube.com/watch?v=lRCKnN3DReU&feature=youtu.be&app=desktop
[4] Margot Sunderland, La science de l’enfant heureux, De Boeck, nouvelle édition 2017.
[5] Ibid., page 166.
Chronique parue dans le n° 68 de Grandir autrement, janvier 2018
Voir aussi la nouvelle campagne lancée le 16 janvier 2018 par la Fondation de France pour sensibiliser aux conséquences à long terme des violences physiques et verbales. L’illustration de l’article est une capture d’écran d’un des deux spots de cette campagne.