Vous avez dit « culpabilisation » ?

Vous avez dit « culpabilisation » ?

En janvier 2016 est sortie dans le Lancet une méta-analyse sur les bénéfices de l’allaitement pour la santé des enfants, des mères et de l’économie [1].
Et pour une fois, toute la presse en a rendu compte sans y ajouter la conclusion habituelle du style « oui bon, d’accord, mais les laits infantiles ont fait de tels progrès ces dernières années, etc. » ou « il ne faudrait pas culpabiliser les femmes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas, etc. »
Toute la presse sauf… Libération où est parue une tribune signée par dix femmes (essentiellement des journalistes) et intitulée justement « Allaitement : cessons de culpabiliser les femmes » [2].
Pour ces femmes (et les au moins 1 000 autres qui ont signé cet appel), parler de l’effet de l’allaitement sur la santé, c’est automatiquement culpabiliser celles qui ont choisi de ne pas allaiter.
La blogueuse Danielle Ahanda leur a répondu dans un texte plein de bon sens [3]. Elle y dit notamment : « Dans la sphère publique, celle-là même que ces femmes accusent d’oppression, il y a non seulement (mine de rien…) pas mal de personnes hostiles à l’allaitement, mais les sympathisants ne sont pas toujours bien informés sur le sujet. Au final, rien de surprenant lorsque l’on réalise que le biberon est le pictogramme consacré pour représenter le nourrisson…Vous avez dit « pression » ? Celles qui ont allaité leur enfant au-delà de 6 mois pourront vous en raconter de belles sur le sujet… » Et aussi : « Alors oui, les mamans allaitantes sont heureuses de lire de temps à autre des articles qui font la promotion de ce « choix ». Parce que lorsque l’on regarde autour de nous, on se sent parfois marginale (une fois j’ai été qualifiée de « hippie »), avec toutes ces belles images de bébés au biberon. Pour moi, ces articles ne sont rien d’autre qu’une contribution à la normalisation d’un geste tout ce qu’il y a de plus naturel. » Enfin : « Pourquoi est-ce que lorsque je n’ai pas de montée de lait ou que mon bébé n’arrive pas téter pour une raison que j’ignore, je dois contacter une organisation spéciale via internet pour avoir une réponse fiable et un peu de soutien (on ne remerciera jamais assez La Leche League, car elle reçoit aussi paradoxalement des attaques). Pourquoi la pédiatre ou même le pharmacien au coin de ma rue ne pourrait tout simplement pas me renseigner ? Pourquoi est-ce que je dois mener une enquête approfondie pour savoir si je peux ingérer sans risque pour mon bébé tel ou tel médicament lorsque j’allaite ? »
L’appel dans Libération se  terminait ainsi : « Il faut également éviter l’autre piège qui nous guette : s’opposer entre femmes. Il ne faut ni culpabiliser les adeptes du biberon, ni moquer celles du sein. Toutes se trouvent confrontées au même problème : le jugement d’autrui. »
Et là, on est d’accord !

[1] http://thelancet.com/series/breastfeeding
[2] http://www.liberation.fr/debats/2016/02/03/allaitement-cessons-de-culpabiliser-les-femmes_1430565
[3] Pourquoi allaiter mon bébé a été un choix très naturel.

Éditorial paru dans Allaiter aujourd’hui n° 107, avril 2016.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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