Faire croire au Père Noël, oui ou non ?
Faire croire – ou laisser croire – au père Noël. Faire croire – ou laisser croire – que c’est lui qui apporte les cadeaux. Expliquer la multiplication des pères Noël dans les magasins à l’approche des fêtes. Dire la « vérité » à un moment, ou laisser la croyance s’effilocher d’elle-même. Autant de questions auxquels les parents donnent des réponses souvent très différentes, avec, dans tous les cas, des arguments tout à fait recevables.
Voici un petit échantillon de ces réponses. À vous de voir celles qui vous parlent le plus (sans oublier qu’on a le droit de changer d’avis !).
Faire croire au père Noël ? Ah non !
Pour certains, il est absolument hors de question de faire croire au père Noël (de même sans doute qu’à la petite souris ou aux fées), car c’est tout simplement de la tromperie. Ainsi, pour Laureen, maman de Nathan, 26 mois, et Louna, 5 mois : « À Noël, on ne parle pas du père Noël. On ne fait pas croire aux enfants qu’il existe. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est un mensonge. Et comme on dit aux enfants que ce n’est pas bien de mentir… Logique ! »
Logique, en effet !
Élodie, maman d’un petit garçon de bientôt 1 an, commence à beaucoup s’interroger sur cette histoire de père Noël : « Je ne sais pas encore comment me positionner par rapport à ça. Une chose est sûre : devoir mentir à mon enfant m’insupporte, lui raconter sciemment un mensonge me fend le cœur. Je crois qu’il va falloir que je trouve une alternative pour ne pas avoir à le trahir. » Mais dans le même temps, elle se demande « si ce n’est pas égoïste de ma part, car du coup, je risque de le « priver » de cette « magie » de Noël… Bref, gros dilemme ! »
Entretenir la magie
Pour d’autres en effet, le père Noël fait partie intégrante de la magie de Noël, et ce serait dommage d’en priver les enfants, surtout s’ils vivent dans un contexte qui entretient le mythe. Stéphanie, maman de Maxim, 7 ans et Abigaïl, 4 ans, explique : « Je pense que le souvenir de notre propre (res)sentiment quand nous avons appris que tout cela n’existe pas joue pour beaucoup dans le choix d’accepter ou de refuser de faire croire à nos propres enfants cette jolie fable. Le fait que les enfants soient scolarisés nous pousse au conformisme, surtout que les écoles invitent le père Noël dans les classes, font des activités autour de ce thème et donc entretiennent le mythe. Personnellement, j’adore la période de Noël, parce que j’adore faire des cadeaux, j’aime cette effervescence, le plaisir de faire plaisir, de réfléchir à ce que je vais pouvoir offrir. J’aime également l’ambiance de fête, les villes colorées et décorées. Nous n’avons pas délibérément choisi de faire croire ou pas au père Noël. On a… laissé faire. À cela s’est ajouté pour nous un deuxième personnage, car nous vivons en Belgique flamande, et ici, le père Noël « existe » pas vraiment, les enfants savent que ce sont les parents qui donnent les cadeaux à Noël puisque les jouets sont donnés le 6 décembre par Saint-Nicolas, auquel ils croient comme au père Noël ! Nos enfants en ont « déduit » que le père Noël ne passe pas dans tous les pays, mais en France, oui. Et qu’en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, c’est Saint-Nicolas. Ils se partagent le travail ! »
Un personnage sympathique
D’autres encore aiment broder autour du personnage, sans pour autant trancher sur son « existence ». Chez Céline, maman d’Achille, 13 ans, Nils, 11 ans, et Lucrèce, 4 ans, « le père Noël est devenu le personnage principal des histoires du soir avant de dormir, donc je dois en inventer chaque soir. Je raconte sa maison, sa famille, la mère Noël et les nombreux lutins, ses amis les animaux de la forêt. Il ne travaille pas beaucoup, s’endort devant la cheminée et est très gourmand. Il part souvent en vacances, pour pêcher ou voir des amis et bien manger. Les lutins travaillent plus, pour fabriquer les jouets. Il y a peu, le père Noël s’est quand même rendu en Grèce pour « apprendre le travail », dixit Lucrèce. Il est déjà allé à New York aussi, et là-bas on l’appelle « Santa ». Parfois, je ne sais plus quoi inventer : le père Noël se déguise, se fait kidnapper par le père Fouettard qui est jaloux, fait de la luge… En dehors de ces moments, et à Noël justement, on parle un peu de celui qui apporte les cadeaux, mais en même temps, nous emmenons Lucrèce dans les magasins. Donc je pense qu’elle comprendra, comme ses frères avant elle, assez rapidement. En attendant, ce père Noël là est plus un personnage sympathique qu’on rencontre dans les histoires que celui qui « existe » ou pas et auquel on devrait croire ou pas. »
Laisser l’enfant découvrir la vérité…
Pour Jared Durtschi, chercheur spécialisé dans les relations familiales à l’université du Kansas, il n’est « pas nécessaire que les parents décident de dire aux petits que le père Noël n’existe pas. Au fur et à mesure du développement de l’enfant, la pensée magique […] qui lui permet d’accepter si facilement tous les détails du père Noël s’évanouira et il découvrira progressivement la vérité par lui-même ».
C’est ce que prévoit de faire Stéphanie : « Notre fils a eu 7 ans, et cette année, il a bien compris que dans les magasins, ce ne sont pas « les vrais ». Mais il y croit. Il nous a posé la question, et comme nous ne sommes pas croyants mais qu’ils vont dans une école catholique, on leur a fait la même réponse que pour Dieu : c’est à toi de décider dans ton cœur si tu y crois ou pas. Nous avons aussi regardé le film Le Pôle Express dans lequel un petit garçon doute. Et le message de la fin dit qu’on peut croire à la magie de Noël toute sa vie. C’est un peu ce que j’essaie de lui dire. La magie, le rêve, l’imagination sont importants dans la construction de soi, de ses rêves, de ses idéaux. Peut-être seront-ils déçus quand ils sauront que ce n’est qu’une histoire. De là à perdre toute confiance en nous ? Je ne sais pas. Je pense que si on les accompagne dans cette découverte, ils comprendront que Noël, c’est avant tout dans notre cœur. Nous sommes tous des Pères Noël. »
… ou la lui dire
Catherine, elle, a préféré dire la vérité sur ce qu’elle ressentait comme un mensonge : « Nous sommes rentrés dans le mensonge du père Noël assez insidieusement avec notre premier enfant. Réminiscences de notre passé de petit enfant, manque de recul sur le sujet… Mais l’an dernier, notre petit de 2 ans ½ a eu peur des pères Noël que nous croisions ! Et cela nous a aidés à dire la vérité à nos deux enfants. Pas si facile : et si le grand (de 5 ans ½) nous en voulait de lui avoir fait croire à cette histoire ? Et si cette vérité lui gâchait la fête de cette année ? Et puis un jour, on l’a dit ! Non, le père Noël n’existe pas. Oui, ce sont les gens qui vous aiment, qui vous connaissent, qui vous font des cadeaux. Notre aîné s’est immédiatement senti… soulagé ! Et nous sommes allés de discussions en discussions, toutes très riches : il nous a parlé de la naissance de Jésus, du cadeau le plus important qui pour lui, à bien y réfléchir, est l’Amour, des cadeaux qu’il allait pouvoir fabriquer pour les offrir aux gens qu’il aime… Chez nous, la féerie reste, avec les décorations, le calendrier de l’Avent, l’odeur du pain d’épices, nos rituels personnels autour de cette fête, nos nombreuses lectures… Nos cœurs de parents s’ouvrent vraiment, car il n’y a plus à mentir, et nos enfants sont dans la réalité d’un évènement qui reste magique… et qui ne fait même plus peur ! »
Alors, quoi que vous fassiez, quoi que vous décidiez, gardez la magie, et bonnes fêtes à tous !
Cet article est paru dans le n° 43 de Grandir autrement.