Allaitement et allergies

Allaitement et allergies

Le rôle de l’allaitement dans la prévention des allergies reste controversé, d’autant que, jusqu’à il y a peu de temps, on ne savait pas grand-chose des mécanismes qui pouvaient être en jeu. Des études récentes pourraient apporter quelques éléments de réponse.

Des réactions allergiques chez des bébés allaités

Pendant longtemps, aussi bien les parents que les professionnels de santé pensaient qu’en étant allaité exclusivement, et de plus pendant six mois, les bébés étaient protégés des allergies. Or ce n’est pas aussi simple que cela : certains bébés allaités échappent aux allergies et d’autres non.
La majorité des allergies chez le nourrisson sont d’origine alimentaire. Quand il est allaité, il faut donc rechercher ce qui, dans l’alimentation de la mère, induit chez lui une réaction allergique. Ce sont bien souvent les protéines contenues dans le lait de vache [1]. Mais il peut s’agir d’autres laits animaux (chèvre, brebis, jument, etc.), de poisson, d’œuf, de moutarde, d’arachide, etc.
Face à une allergie déclarée, un régime d’éviction de l’aliment en cause reste de loin le meilleur remède. En revanche, les études récentes montrent que les protocoles d’éviction pendant la grossesse ou l’allaitement pour prévenir les allergies n’ont aucun impact à long terme sur la survenue d’une allergie. Ces mesures de « prévention » ne font guère que retarder la survenue des manifestations cliniques [2], et pourraient même favoriser le risque d’allergie, en empêchant l’apparition d’une tolérance orale.

À long terme

Mais si les bébés allaités peuvent développer des réactions allergiques pendant l’allaitement, qu’en est-t-il à plus long terme, quand ils sont enfants, adolescents et adultes ?
Certaines études, critiquables sur un plan méthodologique et éthique, ont fait état d’une non protection, voire d’une aggravation du risque en cas d’allaitement. Mais beaucoup d’autres études montrent l’inverse : avoir été allaité diminuerait bien le risque de s’installer dans l’allergie.
Ainsi, une étude suédoise [3] qui a suivi près de 4 000 enfants de leur naissance jusqu’à l’âge de 8 ans a montré que ceux qui avaient été allaités exclusivement au moins quatre mois avaient 37 % de risque en moins d’avoir développé un asthme.

Selon quels mécanismes ?

Une étude française [4], réalisée en 2008 sur des souris allaitantes exposées à des allergènes diffusés dans l’air via des aérosols, a montré que lesdits allergènes se retrouvaient dans le lait de la mère trois à quatre heures après l’exposition, étaient ainsi transférés aux petits, et induisaient chez ces derniers, une fois devenus adultes, une résistance à l’induction d’asthme : le taux de réponse allergique était 60 à 80 % plus bas chez eux que chez les souriceaux allaités par des mères non exposées aux allergènes [5].
Ce serait donc une bonne chose que d’avoir des allergènes dans le lait maternel ! Chez les souriceaux, il semble que cela agit un peu comme une désensibilisation préventive.
Autre piste d’explication : les oligosaccharides du lait maternel, en régulant les taux de bactéries dans le système digestif, aideraient les bébés à devenir en grandissant plus résistants aux allergies alimentaires.
Nul doute que dans les années à venir, de nouvelles découvertes nous aideront à mieux cerner le phénomène des allergies qui reste, il faut bien l’avouer, encore assez largement inexpliqué et énigmatique.

[1] Notamment les caséines et la bétalactoglobuline, mais le lait de vache en contient plus de 30 potentiellement allergisantes.
[2] En cas de risque familial majeur d’allergie, il peut quand même être intéressant de retarder les problèmes de quelques mois à quelques années…
[3] Kull I et al., Breast-feeding in relation to asthma, lung function, and sensitization in young schoolchildren, The Journal of Allergy and Clinical Immunology 2010 ; 125(5) : 1013-1019.
[4] Verhasselt V et al., Breast milk mediated transfer of an antigen induces tolerance and protection from allergic asthma, Nat Med 2008 ; 14(2) : 170-5.
[5] Selon les chercheurs, la protection transmise par la mère dépendrait de la présence conjointe dans le lait de l’allergène et d’une molécule immunosuppressive, le TGF-bêta, que l’on trouve en quantité abondante dans le lait maternel.

 

Cet article est paru dans le n° 39 de Grandir autrement.

 

Pour en savoir plus :

 

Photo Béatrice Romand.

A propos de l'auteur

Claude Didierjean-Jouveau

Animatrice de La Leche League France, rédactrice en chef de la revue "Allaiter aujourd'hui !" Auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, la naissance et le maternage.

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