En 2010, une offensive anti-allaitement
Éditorial du n° 83 d’Allaiter aujourd’hui, avril 2010. Toujours d’actualité, sauf en ce qui concerne les taux d’allaitement à la naissance qui, depuis 2010 justement, ont tendance à stagner…
Gandhi a dit un jour : « D’abord, ils nous ignorent. Ensuite, ils se moquent de nous. Puis, ils nous combattent. Et enfin, nous gagnons. »
À voir ce qui se passe ces derniers temps, il semblerait bien qu’on en soit actuellement à la phase 3, mâtinée de phase 2 [1].
En France, le livre d’Élisabeth Badinter, Le conflit, la femme et la mère, et l’incroyable tapage médiatique qui a accompagné sa sortie sont emblématiques de cette offensive tous azimuts qui s’articule autour de plusieurs axes.
Premier axe : présenter une image caricaturale, voire repoussante (« la femme réduite au chimpanzé » [2]) de la mère « naturaliste » et écolo, rivée à son foyer [3] et soumise à « l’imperium » du bébé, passant ses journées à l’allaiter jusqu’à plus soif en souffrant mille morts, à laver ses couches lavables et à lui cuisiner des « brocolis bio », tout cela à cause de l’intolérable pression exercée par la toute-puissante LLL (!).
Deuxième axe : présenter cette mère comme psychologiquement dérangée et dangereuse pour son enfant. C’est ainsi qu’on a vu les psys de service comme Myriam Szejer ou Claude Halmos stigmatiser, dans Le Monde ou au JT de France 2, les mères pratiquant un maternage proximal, parlant d’érotisation du cododo et de « bébés-médicaments » venant combler une supposée angoisse de leur mère…
Et enfin, troisième axe : la mise en doute des bénéfices santé de l’allaitement maternel. Élisabeth Badinter parle ainsi de « la santé prétendument moins bonne des enfants nourris au biberon », et du fait qu’on a « gonflé les avantages de l’allaitement dans les pays développés ». Mais dans ce domaine, le pompon revient certainement à l’article du Pr Sven M Carlsen et au communiqué qui en a été tiré. D’une étude portant sur 180 femmes dans les années 1980 qui a trouvé une corrélation entre un taux élevé d’hormones mâles pendant la grossesse et plus de difficultés à allaiter, on a conclu que… « L’allaitement n’est pas aussi bénéfique (pour la santé des enfants) que ce que l’on croyait ». Vous ne voyez pas le rapport ? Normal, il n’y en a aucun ! Il n’empêche que c’est cela qui a fait les gros titres en janvier [4].
Ce n’est sans doute pas un hasard si cette offensive prend place à un moment où les taux d’allaitement continuent à augmenter régulièrement et où, pour la première fois depuis dix ou quinze ans, les ventes de lait artificiel et de petits pots sont en perte de croissance en France [5]…
Espérons que cette image repoussante de l’allaitement et de LLL n’empêchera pas des mères de rechercher l’aide dont elles auraient besoin. Quant à nous, loin de l’image de lobby tout-puissant et infiltré partout qu’en donne Élisabeth Badinter, nous continuerons à faire ce que nous faisons depuis plus de cinquante ans : apporter information et soutien aux femmes qui ont choisi d’allaiter et s’adressent à nous.
[1] Même si, d´après Madame Badinter, LLL « est en passe de gagner la bataille du lait »… !
[2] Interview dans Libération du 10 février 2010.
[3] Un autre ouvrage vient de paraître sur le même thème, La tentation de Pénélope, de Belinda Cannone (Stock).
[4] Pour plus d’informations sur l’« étude norvégienne », voir sur le site LLL : Littérature scientifique, communiqué de presse et allaitement ne font pas bon ménage
[5] Voir « La nutrition infantile fait une crise de croissance », LSA, 3 septembre 2009.