Et si, à l’origine, le lait maternel n’était pas une nourriture ?
Toute femme qui allaite ou a allaité sait bien que l’allaitement, c’est bien plus qu’alimentaire. C’est une relation intime entre la mère et son bébé, qui mobilise tous les sens de l’un comme de l’autre et les immerge tous deux dans un bain d’« hormones de l’amour » (prolactine et ocytocine).
Mais c’est aussi, et de très nombreuses études le démontrent jour après jour, ce que la Nature a prévu pour aider à la construction du système immunitaire du petit humain [1]. Et cela ne date pas d’hier puisque l’on pense pouvoir faire remonter cela aux ancêtres des mammifères, chez qui existaient des sécrétions proto-lactées destinées à tuer les bactéries dans le nid et à la surface des œufs. Sécrétées par des glandes cutanées, elles augmentaient les chances de survie des œufs et des petits une fois éclos, lesquels devaient alors aussi ingérer ces sécrétions, qui les aidaient sans doute à optimiser leur flore intestinale [2].
« Suite à des évolutions dues au partage et à la duplication de gènes, deux de ces enzymes anti-microbiens, XOR (xanthine oxidoreductase) et le lysozyme, ont développé des rôles supplémentaires dans l’épithélium mammaire, entraînant la sécrétion de gouttelettes de gras, la présence d’une protéine de petit-lait et de sucre, et l’accumulation d’eau. La présence dans un fluide corporel de ces composants nutritionnels majeurs et de sources de calories a donné au lait une valeur nutritionnelle unique en plus de son rôle protecteur immunologique. » [3]
Les mammifères sont les seuls êtres vivants à nourrir leurs petits grâce à un fluide nutritif complexe élaboré dans des glandes cutanées élaborées. Mais à l’origine, ce fluide n’était pas une nourriture, mais plutôt une sorte d’antibiotique naturel.
Le premier des alicaments
Et en devenant une nourriture, il a gardé ses propriétés anti-infectieuses d’origine, et son rôle de constructeur du système immunitaire. On peut donc dire à juste titre que le lait maternel est le premier et le meilleur des alicaments !
Pour le Dr Cregan, l’un des chercheurs australiens qui ont découvert que le lait maternel contient des cellules souches [4], les seins prennent, à la naissance, le relais du placenta pour faire en sorte que la destinée génétique du bébé s’accomplisse correctement. Et il ajoute : « Les fabricants de lait industriel se sont polarisés sur le fait d’égaler les qualités nutritives du lait maternel, mais jamais leurs produits ne pourront assurer cette bonne conduite du développement de l’enfant (developmental guidance). » [5]
Et si l’on ajoute à cela le fait qu’allaiter et avoir allaité est bon aussi pour la santé de la mère [6], on peut dire que le lait maternel est sans doute le seul alicament qui fait du bien non seulement à son consommateur, mais aussi à son producteur (productrice, en fait) !
[1] Si vous lisez l’anglais et avez l’esprit un peu scientifique, allez voir le texte de Jenny Thomas qui détaille tous les mécanismes par lesquels le lait maternel, de par sa composition, aide à construire le système immunitaire : http://www.drjen4kids.com/soap%20box/notjustfood.htm#.T1YyVHnihWD
[2] Blackburn DG, Hayssen V, Murphy CJ, The origins of lactation and the evolution of milk : a review with new hypotheses, Mammal review 1989 ; 19(1) : 1-26. Et : Oftedal OT, The mammary gland and its origin during synapsid evolution, Journal of Mammary Gland Biology and Neoplasia 2002 ; 7(3) : 225-52.
[3] Ibid.
[4] Cregan MD, Identification of nestin-positive putative mammary stem cells in human breastmilk, Cell Tissue Res 2007 ; 329(1) : 129-36.
[5] Ibid.
[6] Allaiter, c’est bon pour la santé… de la mère et de l’enfant, éditions Jouvence.
Cette chronique est parue dans le n° 35 de Grandir autrement.
Une vidéo à voir : Le lien maternel, dans la série « Un grand pas pour l’évolution » :